Le leçon de Jeanne: Politique d'abord!
Nous avons le plaisir de publier, avec l'approbation de son auteur, Michel Fromentoux, rédacteur en chef de L'Action Française 2000, de larges extraits de son discours fait dimanche 9 mai 2010, à Paris, devant un parterre de catholiques. (Les intertitres et soulignements sont de la rédaction du blogue de la Fédération.) Il exprime très bien la distinction, qui n'est pas opposition, entre les combats temporel et spirituel, pour Dieu, la France et le Roi. « Il n’y a pas opposition, mais composition entre le naturel et le surnaturel », disait, après Saint-Thomas, Maurras. Le primat (dans le temps) du combat politique n'est nullement synonyme de totalitarisme, ni de négation des droits de la conscience religieuse, mais le préalable nécessaire à la renaissance de ceux-ci sous le sceptre bienveillant du Roi de France, protecteur des Diverses Familles spirituelles de la France.
Pourquoi faire
bande à part?
"(...) Sainte Jeanne d'Arc, en ces temps d'extrême décadence, doit plus que jamais nous unir. Mais se pose alors la question : pourquoi deux défilés ?
Départ de Saint-Augustin du cortège traditionnel parisien dans les années 1920. De gauche à droite, on reconnait Bernard de Vesins, Charles Maurras, Léon Daudet, l'amiral Schwerer, président de la Ligue d'Action française, et Ernest Berger, trésorier. A droite et et à gauche des Comités directeurs, deux files de commissaires d'A.F. (Photo D.R.)
"Certes on pourrait évoquer la force de l'habitude. (...) Chaque année depuis un siècle, l'Action française défile le matin juste après le dépôt de gerbes place des Pyramides des autorités officielles de l'État, du moins de celles qui gardent encore cette tradition... (...) j'ose espérer que (l)es questions (...) d'ajustement d'horaires pourraient trouver pour les années à venir une solution acceptable par tous.
"Reste alors la question de la place de l'Action française. Permettez-moi de dire, en toute amitié et sans la moindre forfanterie, (...) que l'Action française devrait défiler au premier rang. Elle le doit pour des raisons historiques et je crois aussi doctrinales.
Par 10.000 jours de prison
"Historiques, d'abord. Nul ici n'ignore que c'est l'Action française qui au début du XXe siècle brava les entraves de la République pour réveiller le culte de notre héroïne nationale. (...)
"En effet dès 1908 étudiants d'Action française et Camelots du Roi défilèrent sans craindre de se faire tabasser par les forces dites de l'ordre.
Camelots du Roi dans les années 1910. L'Action française a toujours été suivie par le peuple. (Photo D.R.)
"Finalement, au bout de quatre années d'affrontement et au prix de 10.000 jours de prison, le cortège fut autorisé en 1912 .
"Après la Grande guerre, quand les députés eurent, sous l'impulsion de Maurice Barrès, voté la loi instituant la fête nationale de Jeanne en 1920, année aussi de la canonisation, le cortège prit chaque année de l'ampleur, toujours soumis au risque des tracasseries de l'État (...). En 1925 et 1926, le Cartel des Gauches voulut l'interdire : les Camelots du Roi réussirent à passer quand même.
L'émeute du 6-Février 1934 sur la place de la Concorde (Photo D.R.)
"Après la dernière guerre, la tradition reprit vigueur. En 1951, le gouvernement voulut interdire le cortège, mais il recula devant l'ampleur des protestations des participants.
"En 1990, après la fameuse profanation du cimetière de Carpentras (alors que l'Action française n'y était, pour rien, je ne vous l'apprends pas), le ministre de l'Intérieur Pierre Joxe proclama l'interdiction et boucla tout le centre de Paris pour empêcher l'accès aux statues de la Sainte, mais les jeunes d'AF étaient... là où on les attendait le moins : ils occupaient une des tours de Notre-Dame avec un immense calicot où étaient écrites les lettres Action française.
"L'année suivante, 1991, les jeunes d'AF foncèrent malgré les CRS et le sang coula place des Pyramides. Ne s'en tenant pas là, ceux des jeunes qui avaient échappé aux gardes à vue, s'installèrent au sommet du Panthéon et résistèrent plusieurs heures aux assauts de la police.
Les Comités directeurs le 10 mai 1998. De gauche à droite, on reconnait notamment Pierre Pujo (en partie caché par le drapeau tenu par une petite fille royaliste du Sud-Ouest), Nicolas Kayanakis, secrétaire général de l'Action française, Michel Fromentoux, alors secrétaire de la Rédaction du Journal, Pierre Chaumeil. (Photo D.R.)
"Les années suivantes ce fut plus calme, mais tout peut encore arriver sous le régime actuel.
"Sachez en tout cas que l'AF ne pliera jamais devant les entraves mises par la République au culte de la Sainte de la Patrie dans Paris le jour de sa fête nationale.
Politique d'abord!
"La deuxième raison pour l'AF de marcher en tête (...) est doctrinale. Vous savez que l'Action française combat sur le plan temporel, préparant le retour du roi et réunissant dans ce but les Français de tous horizons politiques et religieux, même non religieux, même anti-cléricaux.
"Je ne vous ferai toutefois pas l'injure de vous rappeler que quand nous disons Politique d'abord, nous ne mettons pas la politique au-dessus de tout. Rien ne m'énerve plus que d'entendre parler du soi-disant agnosticisme de Maurras, qui l'aurait poussé à méconnaître le surnaturel et à nier l'importance de la prière.
"Il avait hélas perdu la foi à quatorze ans, mais il en souffrit toute sa vie et la recouvra d'ailleurs sur son lit de mort. Il n'a jamais cessé de faire éclater dans ses écrits son admiration pour l'ordre catholique, pour l'Église de l'Ordre. S'il ne pouvait pas réunir les Français sur l'idée que le catholicisme est le vrai, du moins leur montrait-il qu'il est le bien.
"Nul mieux que Maurras n'avait compris le mystère de Jeanne d'Arc et sa manière de courir, toutes affaires cessantes, à Reims avec Charles VII pour le faire sacrer : les Voix de Jeanne allaient d'accord avec les vues d'une sage politique qui sait se plier à la nature des choses. Tout demeurerait aléatoire, dans le domaine des choses religieuses autant que militaires ou sociales, tant qu'il n'y aurait pas un commandement politique affermi, autrement dit un roi sacré et acclamé par tous. Avec Jeanne, ce que je trouve fascinant, c'est que l'on est à la jonction du Politique d'abord et du Dieu premier servi, chacun de ces principes appelant l'autre, érigeant ainsi la politique au niveau de la forme la plus excellente de la charité.
"Alors, chers amis, nous gens d'Action française, nous nous appliquons à aller jusqu'au bout de l'action si pleinement française de sainte Jeanne d'Arc. Il ne s'agit nullement pour nous de négliger la prière, mais, pour délivrer au plus tôt la France de tous les miasmes du laïcisme et des droits de l'homme, nous entendons, (...) d'abord prendre le premier moyen qui est d'oser renverser la République intrinsèquement renégate et athée. Nous disons alors politique d'abord dans l'ordre naturel des choses qui est l'ordre établi par Dieu.
"Et voilà pourquoi j'affirme que nous devons revendiquer de défiler au premier rang, à la place des bœufs qui passent avant la charrue même quand le chargement de la charrue est le plus précieux des biens, - à la place des gardiens de la cité temporelle qui préparent la voie aux hommes qui processionnent et qui prient.
"Voilà quelques réflexions que je vous livre amicalement en vue de nos rendez-vous futurs, en espérant que nous serons ainsi toujours plus nombreux et toujours mieux organisés pour faire passer dans les rues de la capitale le frisson du patriotisme français. (...)
"Vive Dieu, vive Jeanne, vive la France !"