Le nationalisme contre le racisme
Nous reproduisons ci-après, à titre documentaire, une étude impartiale et décisive de Jacques Cognerais, parue dans Le Choc du Mois, en février 2009. Elle montre implicitement toute la différence qu'il y a du nationalisme évolué de l'Action française au racisme sommaire des identitaristes: de l'A.F. au B.I., l'homme français ne monte pas, il descend.
A.F.
Le nationalisme français traditionnel, tel qu'il fut notamment théorisé par Charles Maurras, a tout au long du XXe siècle rejeté
vigoureusement le racisme. Parce que celui-ci est perçu, dans ce courant ce pensée, comme totalement étranger à ce qui a fait la France.
«Si le racialisme de Gobineau n'a pas fait école en France », écrit Pierre-André Taguieff, c'est notamment du fait « de l'incompatibilité du nationalisme français, incarné
par l'Action française (fondée en juin 1899), avec toute forme de matérialisme biologique »(1). Charles Maurras, en effet, traitait volontiers le comte de Gobineau,
père du racialisme, de «Rousseau gentillâtre» ou de «stupide et indigne Français», selon l'humeur mais avec une belle constance. Selon le défenseur du nationalisme intégral,
la pensée de Gobineau était en ce domaine pénétrée de germanisme et d'esprit allemand. Comme il l'écrira le 10 octobre 1926 dans son journal L'Action
Française : «Nous sommes des nationalistes français. Nous ne sommes pas des nationalistes allemands. Nous n'avons aucune doctrine qui nous soit commune avec eux. Toutes les
falsifications, tous les abus de textes peuvent êtres tentés : on ne fera pas de nous des racistes ou des gobinistes.»(2)
« Le racisme répugne à l'esprit français
»
(J.-P. Maxence)
En 1937, se félicitant de l'encyclique du pape Pie XI Mit brennender Sorge («Avec une vive inquiétude»)
condamnant le national-socialisme, Maurras parlera du racisme comme de son «vieil ennemi», rappelant que «dès 1900, ses maîtres français et anglais, Gobineau, Vacher de Lapouge,
Houston Chamberlain, avaient été fortement signalés par nous à la défiance des esprits sérieux et de nationalistes sincères».
Effectivement, quand, en juin 1900, Jacques Bainville (qui n'a que vingt-et-un ans) avait recensé avec un peu trop de
complaisance le livre de Vacher de Lapouge, L'Aryen, son rôle social, dans la Revue grise d'Action française, Maurras avait tancé son jeune compagnon, le mettant en garde contre
les « rêveries de race pure».
Jacques Bainville: c'est autre chose
que Guillaume Faye (photo D.R.)
Cette condamnation radicale du racisme par le chef du néo-royalisme français fera des émules chez les nationalistes français.
Notamment dans la génération des non-conformistes des années 1930. En mai 1933, au lendemain de la victoire électorale d'Hitler en Allemagne, Thierry Maulnier écrit dans L'Action
Française: « Le racisme et l'étatisme ne peuvent correspondre qu'à des sociétés imparfaites. Une société dans laquelle la civilisation a atteint ses sommets les plus rares ne
peut se contenter de telles significations, l'édifice des valeurs les plus aristocratiques ne saurait abriter ces religions grossières, dont la pauvreté spirituelle n'a d'égale que la malfaisance
et la stérilité.»(3) Dans le même temps, son ami Jean-Pierre Maxence pousse un cri du cœur : « Le racisme, écrit-il dans La Revue du Siècle, répugne à l'esprit
français. Il y a dans le nationalisme français des valeurs universelles et assurées qui se refusent à toute attitude agressive ou impérialiste.»(4) On ne peut pas faire plus
clair.
« Vacher de Lapouge ne me semble
devoir intéresser
que les éleveurs»
(P. Boutang)
Exilé volontaire au Brésil, l'ancien camelot du Roi Georges Bernanos écrit en décembre 1940 dans un article repris dans Le
Chemin de la Croix-des-Ames: «Je ne méprise nullement l'idée de race, je me garderais plus encore de la nier. Le tort du racisme n'est pas d'affirmer l'inégalité des races, aussi
évidente que celle des individus, c'est de donner à cette inégalité un caractère absolu, de lui subordonner la morale elle-même, au point de prétendre opposer celle des maîtres à celle des
esclaves.»(5) Et le romancier catholique d'opposer la richesse des nations à l'archaïsme des races. Maurras allait encore plus loin : ne disait-il pas volontiers qu' «aucune origine
n'est belle»? Il ajoutait: «La beauté véritable est au terme des choses.»(6)
L'un des principaux héritiers intellectuels de Maurras, le métaphysicien Pierre Boutang, n'est pas en reste quand il affirme en
1949 dans son pamphlet La République de Joinovici : « Je ne suis pas raciste. Le comte de Gobineau m'ennuie quand il n'est pas romancier. Vacher de Lapouge ne me semble devoir
intéresser que les éleveurs ; j'ai une autre idée que Rosenberg de l'homme, cet être étonnant entre tous, qui qui vit dans les cités, mais dans sa solitude, modèle son rapport à
Dieu.»
Au racialisme pessimiste d'un Gobineau, à l'eugénisme d'un Georges Vacher de Lapouge, le nationalisme français a opposé
une conception de la nation forgée par l'histoire, affirmant que la lutte des races ne valait pas mieux que la lutte des classes. N'en déplaise aux antiracistes falsificateurs qui voudraient
inscrire Maurras dans la généalogie intellectuelle du racisme, ou à quelques autres qui voudraient annexer la pensée du Martégal.
J.C.
Notes:
1. Pierre-André Taguieff, La Couleur et le Sang, Mille et Une Nuits, 2002.
2. Charles Maurras, Dictionnaire politique et critique, tome III.
3. Thierry Maulnier, in L'Action Française du 30 mai 1933.
4. Jean-Pierre Maxence, in La Revue du Siècle, mai 1933.
5. Georges Bernanos, « Race contre nation », in Essais et écrits de combats Il, Gallimard, 1995.
6. in Anthinéa : d'Athènes à Florence, 1901.