L'Action française, l'économie et les questions "sociétales": jalons pour sortir de l'impasse

Publié le par Fédération interprovinciale du Grand Sud-Ouest de l'Action française

En écho à notre cercle d'hier matin sur l’économie entre mondialisation, décroissance et protectionnisme ( http://af-aquitaine.over-blog.com/2015/03/prochain-cercle-de-formation-d-action-francaise-le-14-mars-2015-a-bordeaux-mondialisation-decroissance-ou-protectionnisme-nos-choix ), qui a connu un franc succès, et pour prolonger les discussions passionnantes qui l'ont suivi, on lira plus bas une bonne analyse de la vie politique française parue dans un récent numéro du Figaro, ainsi que nos commentaires:

"La vie politique française contemporaine est en effet structurée par deux clivages: protectionnisme contre libre-échange, et progressisme sociétal contre défense des traditions. À l'instar d'Alain Juppé, la droite modérée est partisane du libre-échange, et elle est progressiste sociétale modérée. Elle est donc compatible sur l'essentiel avec la gauche modérée d'un Manuel Valls. A contrario, il serait souvent difficile pour Alain Juppé de gouverner avec la droite radicale d'un Nicolas Sarkozy, qui est traditionaliste sociétal; encore plus avec l'extrême droite de Marine Le Pen, qui est à la fois traditionaliste sociétale et protectionniste sur l'économie. Réciproquement, Manuel Valls a aujourd'hui beaucoup de mal à gouverner avec la gauche radicale parce que contrairement à lui, elle est protectionniste."

Notre commentaire: Indépendamment des étiquettes fantaisistes généreusement attribuées aux uns et aux autres (en quoi Sarközy serait-il "traditionaliste sociétal" et la "Droite radicale" hostile au libre-échange?), cette analyse pose la question d'où doit se situer l'Action française dans cette donne nouvelle.

Traditionnellement, sur le plan économique, elle est partisane du corporatisme catholique de La Tour du Pin, des Princes capétiens et des papes sociaux. Mais peut-elle encore adopter cette "doctrine sociale de l'Eglise" qui a tant évolué depuis Vatican II jusqu'à devenir un vague baptême du libéralisme, avec parfois quelques accents antilibéraux contrastant avec une pratique quotidienne alliée au grand patronat? Quant aux Princes eux-mêmes (ou leurs nègres), dans leurs bouquins, ils se gardent de remettre en cause l'économie libérale et se bornent à faire l'éloge du capitalisme familial lyonnais, - sans voir qu'il n'existe plus, qu'il a abandonné ses entreprises à des managers extérieurs, que les représentants des 200 familles ne font plus que de la figuration dans les conseils d'administration.

Cette vision d'un corporatisme hiérarchique du militaire La Tour du Pin, pour acceptable qu'elle ait été à son époque, ne convient plus à une période où l'individu-roi est incapable de s'imposer une quelconque discipline collective.

Plus encore se pose une question de fond: est-il sain qu'un Mouvement politique fondé comme le nôtre sur l'intérêt national français s'aligne sur les positions fluctuantes en matières politique et sociale d'une Puissance spirituelle, si bienfaisante soit-elle? L'infaillibilité n'a pas été donnée par le Christ à l'Eglise en ces matières et le second concile du Vatican a expressément proclamé l'autonomie de la politique dans sa sphère (Gaudium et spes).

De même, ses applications dans l'Europe latine au XXème siècle ont tourné soit à l'étatisme pur et dur (Italie), soit ont couvert d'un vernis paternaliste l'alliance du Pouvoir avec les grands propriétaires latifundiaires (Portugal). En France, les circonstances tragiques de la Guerre et de l'Occupation n'ont pas permis une large diffusion du corporatisme dans la classe ouvrière et la paysannerie, à tel point que le terme a pu être repris dans le langage courant pour désigner de façon péjorative les blocages de l'économie par les revendications syndicales!

En présence de ces impasses, certains idéalistes parisianistes ayant le cœur à gauche enfourchent la machine à remonter dans le temps (Back to the future) et allèguent parfois les mânes de Proudhon! Pauvre Proudhon, que personne ne lit plus! ton fédéralisme socialisant, né des réminiscences du petit peuple de l'Ancienne France, est bien daté lui aussi! (Mais l'Ancienne France est morte deux fois: en 1789 et en 1914!) On ne le ressuscitera pas, et d'ailleurs, ce n'est pas l’objet de l’Action française, qui est exclusivement, rappelons-le, le retour d'un Roi, préface indispensable à toutes les réformes que les Français peuvent légitimement souhaiter! On parle aussi légèrement d'anarcho-syndicalisme, comme si l'on était encore en 1900 et sans voir que, de toute façon, ce mouvement, pour original qu'il soit dans l'histoire des idées, était ultraminoritaire dans le monde ouvrier!

A quoi peut bien rimer, en 2015, un los ouvriériste alors que l'industrie manufacturière n'existe pratiquement plus chez nous et que, depuis les Trente Glorieuses, la classe ouvrière, qui n'a plus conscience de son unité, ne cherche qu'à s'embourgeoiser le plus rapidement possible avec quatre-quatre, B.M.W., écrans plasma, ailpodes et piscines à la clé!

Ne parlons pas de l'état lamentable dans lequel on laisse en jachère la paysannerie, que l'on appelle maintenant agriculteurs, qui de toute façon n'est plus ce qu’elle était il y a soixante-dix ans. La période des solidarités traditionnelles à l'ombre de l'église et du château a disparu. Seul survit, faute de perspectives, l'individualisme paysan.

Pour ce qui est du "sociétal", c'est-à-dire de l'abolition des vestiges de la société millénaire patriarcale et hiérarchique dans laquelle s'est construite notre Nation, le fond du peuple reste sain, si les lois et les institutions sont pourries. Depuis 1967, la Droite parlementaire s’est faite complice de la Gauche pour démolir les derniers garde-fous contre l'anarchisme généralisé, garde-fous d'ailleurs mis en place par la Société libérale après la Révolution: on voit le beau résultat dans nos jeunes d'aujourd'hui! Il ne semble pas davantage qu'il faille compter sur l'extrême-Droite, dont les bataillons sont précisément issus de la dissociété destructurée ou sont influencés par l'ambiance délétère de l'esprit public, pour faire une Contre-Révolution sociétale!

Sera-ce l'Eglise et les jeunes gens exaltés de la "manif' pour tous" qui la feront? Ils ont, c'est vrai, la bouche pleine de "contre-culture", d' "anti-mai 68", mais cela ne suffit pas constituer une doctrine. Ils oublient qu'une Contre-Révolution sociétale ne peut s’opérer sans une Contre-Révolution politique préalable. De plus, les idées saines ne se répandent pas comme ça, il faut en faire la propagande inlassable, et tout ce qu'on leur propose est de devenir députés U.M.P. ou centristes! Une propagande, dans l'actuel combat des idées, ne se fait pas avec un esprit fleur bleue. Tout le problème français se limite à: Comment donc sauver la Nation française et lui permettre de réaliser les réformes diverses que souhaitent les différentes catégories de la population sans tomber dans la guerre civile, l'anarchie, le racisme ou la Démocratie? L'Action française répond: par le Roi, mais un Roi qui en veuille et qui en ait...

Résumons-nous: Que faire? L'ancien peuple n'existe plus, les hiérarchies traditionnelles non plus, ni l'unité des consciences; la paysannerie ni la classe ouvrière n'ont plus de sentiment de solidarité; l’Église a changé de doctrine sociale. La tâche restauratrice de l'Action française s'annonce particulièrement difficile, plus encore qu’au temps de Maurras. Beaucoup se trompent aussi sur l'objet propre de l'Action française, qui n'est pas d'ordre religieux, moral ou économique, mais uniquement de politique française. Au lieu de nourrir la sourde nostalgie des dragonnades, il faut accepter de reconnaître qu'en 2015, il y a toujours deux France et que l'art de la politique doit être de les faire coexister sans heurts, puis de les fusionner progressivement, avec la sage lenteur que permet l'hérédité monarchique.

De la réponse claire à cette question à multiples facettes dépend donc une bonne partie de l'avenir de notre Mouvement et le salut de la France. La fédération Grand Sud-Ouest et ses sections locales (Bordeaux & Basse-Guyenne, Toulouse & Haut-Languedoc, Pau & Pyrénées et Bayonne & pays basque) continueront à l’avenir à y apporter des réponses réalistes d'Action française fondées sur la méthode de l’empirisme organisateur.

A suivre...

A.F.-Grand Sud-Ouest

Source: http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/01/29/31001-20150129ARTFIG00412-l-union-nationale-la-botte-secrete-d-alain-juppe-pour-battre-sarkozy.php