Cathos et politique, le couple infernal de la bourgeoisie française!

Publié le par Section de Bordeaux & Basse-Guyenne de l'Action française

Pour une fois qu'un dominicain, de surcroît ancien maître des novices du couvent de Bordeaux et spécialiste de Gilson, le frère Th.-Dominique Humbrecht, dit quelque chose d'intelligent sur la politique, il mérite d'être écouté attentivement, surtout dans le numéro de Pâques du Figaro de M. Dassault... La section de Bordeaux & Basse-Guyenne de l'Action française partage beaucoup de ces analyses, qui rejoignent ses propres observations, sur les cathos, "intermittents du combat politique", en particulier celles sur le goût de l'argent propre à ces milieux, sur leur pusillanimité et sur la "laïcité à la française". D'autres appréciations sur la nature totalitaire du Régime, sur l'origine "idéologique" du mariage pédérastique, sur le tropisme de Gauche du clergé et du laïcat français vieillissants (mais à quoi servirait de le remplacer par un tropisme de Droite?) sont assez renversantes venant d'un tel oracle.

Le frère insiste avec raison sur la "formation" que les chrétiens ignorants doivent acquérir en matière politique, mais nous doutons que ce soit des organismes d'Eglise, qu'ils soient d'Action catholique ou de Cité catholique, qui puissent légitimement et utilement les leur dispenser! Outrepassant sa mission pastorale, l'Eglise en politique n'aboutit qu'au cléricalisme; la parole de l'Eglise doit être autre, spirituelle. Les catholiques doivent agir de façon individuelle dans les mouvements convenant le mieux à leurs convictions, non collective comme parti confessionnel. L'opinion publique le rejetterait comme contraire à notre conception unitaire de la Nation. Ce n'est pas parce qu'il y aurait un "communautarisme" musulman, et qu'il existe des Etats confédérés qui dominent la République, que les cathos" doivent les singer en cela.

Hélas, les remèdes qu'il propose sont très généraux, un mixte d'idéalisme et de pragmatisme, et... insuffisamment politiques! Notamment, la croyance très mode du bon frère sur l'efficacité prêtée à l'évangélisation ou à la politique "2.0" (virtuelle) est une illusion très commune: dix heures passées derrière un ordinateur ne font pas un militant (dix heures dans la rue non plus!). Comme le dit l'A.F.: pas d'action viable sans doctrine sûre, pas de doctrine éprouvée sans action concrète et durable!

S'il est vrai que "toute chose qui n'est pas connue n'existe pas" (Salazar l'a d'ailleurs dit avant le frère Humbrecht), il ne saurait en résulter le primat de l'agit'-prop' sur tout le reste de l'action politique. Cela signifierait en définitive que l'application de quelques recettes-miracle suffisent à assurer le succès. Or, la conviction est un phénomène intellectuel mytérieux d'ordre intime, personnel, elle ne se propage pas comme une traînée de poudre! Le succès non plus ne s'enseigne pas. Aucune campagne de Presse ou internet, aucune réunion publique, aucun cercle de formation ne peut les déterminer; ces moyens peuvent, à la rigueur, entraîner un mouvement de foule ou d'opinion, mais combien peu stable et susceptible d'échouer! Avant l'action, il faut d'abord les cadres. Et ils ne poussent pas comme des champignons!

De même, le concept, qu'il avance aventureusement, de "laïcité théologienne", est intrinsèquement incompatible avec la République, que Maurras a qualifié de Démocratie religieuse. Comme si l'on pouvait négliger par un vœu pieux l'existence de forces occultes, sur lequel le religieux est très discret, derrière le Régime! En France depuis 1789, on ne sort pas de ce dilemne: Ou la République, mais pas de Dieu, - ou Dieu, mais pas de République.

La transmission des "principes chrétiens qui tissent l'Occident et donnent une certaine conception de l'homme", c'est bien, mais est-on bien sûr qu'ils aboutissent à la Démocratie et à l'homme individualiste et anarchiste des "droits de l'Homme"? Il faut une bonne dose d'aveuglement pour voir dans la devise républicaine (la Liberté signifiant licence sans Dieu ni maître; l'Egalité contre la transcendance; la Fraternité indifférenciée sans les œuvres), l'application de l'Evangile! Une politique chrétienne invite au contraire à dépouiller le vieil homme de la Démocratie, et à transformer radicalement la Société par l'Amour. Comment y parvenir si la Démocratie est tabou, indépassable? De tout cela, le frère Humbrecht ne parle pas. Pour l'Action française, il y a là une contradiction insurmontable. Aussi, faute de cette (contre-)révolution copernicienne (ou maurrasienne), n'est-il pas étonnant qu'il n'offre à ses lecteurs aucune perspective de succès.

Le romantisme de l'échec, drapé dans une vision eschatologique du combat politique qu'il véhicule n'est pas non plus favorable à inciter les cathos à s'y engager. Il semble bien néanmoins que la racine du problème réside ailleurs, dans sa définition incorrecte de la politique ("faire le bien de tous par de belles actions", comme si les vertus morales suffisaient à faire une bonne politique!), définition qui diffère de manière impressionnante de celle, beaucoup plus "humble" et réaliste, que l'A.F. pratique, en particulier dans le Grand Sud-Ouest: rendre possible ce qui est nécessaire au Peuple!

Là encore, on voit que la rupture de l'Eglise avec l'Action française, qui fournissait un débouché politique réaliste et respectueux de leur foi aux croyants les plus cohérents et patriotes, la dessert encore, quatre-vingt neuf (89) ans après! Tant que l'Eglise n'aura pas rompu avec la Démocratie, avec ses pompes et ses œuvres, qu'elle feint de trouver d'inspiration chrétienne, elle continuera d'être vaincue par le laïcisme.

A.F.-Bordeaux & Basse-Guyenne

Q. - Peut-on faire de la politique en se revendiquant d'une appartenance religieuse? N'est-ce pas faire le lit du communautarisme?

Frère Thierry-Dominique Humbrecht - Si c'est au nom de son appartenance religieuse que l'on fait de la politique, cela ne fonctionne pas car celle-ci est faite pour construire le bien commun. Ne servir que sa communauté serait contraire à la vie dans la cité. La politique vise le bien de tous par de belles actions.

Les chrétiens doivent-ils se déclarer comme tels en politique? Cela dépend. C'est un arbitrage délicat qui nécessite de jouer sur plusieurs claviers, en estimant que l'on peut débattre de certains sujets rationnellement -encore faut-il que les interlocuteurs d'autres obédiences acceptent de faire usage de leur raison-, et d'autres selon les diverses théologies. Les questions qui concernent la personne humaine doivent être abordées sous leur aspect sociétal mais aussi dans leur dimension religieuse. Il s'agit de problèmes philosophiques qui nous concernent tous en tant qu'hommes; mais refuser de dire que certaines choses relèvent d'un engagement religieux, c'est avoir pris position par omission. Tous ont une idée de Dieu. La laïcité elle-même est une religion, athée plutôt que neutre. Il n'y a finalement pas de neutralité: ce sont toujours des religions qui s'affrontent.Depuis longtemps, ce sont des chrétiens -ou des personnes qui en ont conservé les cadres mentaux et la culture- qui font de la politique. La plupart sont contraints à ne pas paraître chrétiens, par intimidation ou par inhibition. C'est à ça qu'on les reconnaît.

La plupart des débats actuels touchent à l'homme et à sa dimension religieuse. Le corps politique se saisit de plus en plus de ces problématiques et édicte des lois contraignantes. Alors que s'il était neutre, il devrait les laisser à la liberté des gens.

Q. - Vous affirmez que l'enjeu de la société se situe désormais entre la nature de l'homme et l'existence de Dieu. Qu'entendez-vous par là?

R. - Si Dieu existe, l'homme a une nature et sa vie a un but. S'il n'existe pas, alors l'homme n'a pas de nature et peut s'inventer des buts terrestres. Sartre disait: «Il n'y a pas de nature humaine puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir». On l'a vu pour le mariage homosexuel: l'argumentation pro mariage partait du principe qu'il n'y a pas de nature et que chacun fait donc ses choix. La liberté tient alors lieu de nature et il n'y a pas d'humanité à laquelle on est tenu de se conformer. La liberté sans nature règne sur fond d'athéisme.

Une certaine idée de l'homme est liée à une certaine idée du monde et à une certaine idée de Dieu, triangle vital. Notre rapport à l'un modifie notre rapport aux deux autres et il en existe plusieurs modèles de relation triangulaire. Le choix d'un modèle est lourd de conséquences dans les domaines économique, sociétal et politique.

«Mon royaume n'est pas de ce monde» dit Jésus. Pourquoi s'activer pour un chrétien si la victoire ne sera pas assurée ici-bas?


Q. - Certains chrétiens ne seraient pas touchés par un certain défaitisme, qui les dissuaderait de s'engager en politique?

R. - Le chrétien se bat sur le plan politique parce qu'il est homme, citoyen et chrétien. C'est son rôle, il fait partie du monde. Certes, le succès politique n'a rien d'assuré, Jésus ne l'a d'ailleurs jamais promis. La politique est une affaire humaine et il faut rendre à César ce qui est à César, c'est-à-dire voter, participer autant qu'on le peut à la vie de la cité et défendre les idées auxquelles on tient. D'autant que nous avons perdu -ou sommes sur le point de perdre- nombre de combats humains et éthiques actuels, à cause d'une logique politique, financière et idéologique dont on ne mesure pas encore assez la puissance. Le mariage homosexuel était préparé depuis une quarantaine d'années et dans une optique de subversion antichrétienne du mariage.

Ce n'est pas une raison pour ne pas agir, surtout s'il s'agit de combats qui touchent à la dignité humaine, à la nature, à Dieu. On ne se bat pas pour remporter des victoires terrestres, mais pour le Christ. Aujourd'hui le pouvoir politique musèle la foi chrétienne. Mais si la décision issue de ce combat ne nous est pas favorable, nous aurons tout de même sauvé notre honneur face au Christ, aux autres et à nous-même. Cela sera inscrit dans les cieux. Nous savons aussi que les statues aux pieds d'argile s'écroulent vite.

Q. - Vous désignez les catholiques français comme des «intermittents du réveil». Qu'est-ce qui explique cette tiédeur?

R. - Plusieurs paramètres sont à prendre en compte. Nous sommes dans un pays d'histoire, civilisation et culture chrétiennes. Les chrétiens ont pris l'habitude de s'y croire chez eux et d'y vivre avec une relative passivité. C'est pour cela qu'ils dorment.


Aujourd'hui, la déchristianisation pousse à sortir de sa coquille. Le réveil est lent et douloureux mais nécessaire pour ne pas se laisser dévorer. Il est plus ardu encore pour les plus de cinquante ans qui ont pu vivre en chrétienté de manière confortable, en particulier dans le clergé. De nombreux clercs sont nés à une époque où les églises étaient pleines. Cette laïcisation sauvage les prend de plein fouet et les laisse un peu démunis face à un monde devenu féroce auquel ils n'ont pas été habitués. S'y ajoute une attitude passive au sein de l'Église elle-même, depuis quelques décennies: il s'agissait de se fondre dans la société, de ne surtout pas se dresser face à elle comme un adversaire mais comme un acteur absorbé dans la masse, surtout si celle-ci était de gauche. Agir sans apparaître comme des chrétiens. Il y a eu une force inhibitrice considérable qui se refusait à critiquer les décisions de la société pour ne pas paraître contre le progrès. Par désir de rester dans le coup.


Il faut donc courage et formation -pour parler il faut avoir des choses à dire- pour que les chrétiens se posent en acteur de notre société. Le changement de mentalités s'impose, non pour créer une contreculture, mais pour oser prendre position comme partenaire actif, intelligent et critique. Et cela par la voie de moyens médiatiques, encore trop peu utilisés parmi les pasteurs: peur d'être piégés, mépris de s'abaisser à la communication, ou encore parce que l'essentiel est ailleurs -ce qui n'est pas toujours faux. Malheureusement, aujourd'hui, toute chose qui n'est pas connue n'existe pas, c'est une loi médiatique terrible mais réelle. Une phrase du concile Vatican II dit que la vérité doit rayonner par la force de la vérité elle-même. Cela reste vrai, mais ce rayonnement ne suffit plus s'il est recouvert. Les gens sont gavés de doctrines contraires, notamment par la télévision, et la vérité est noyée dans le brouillard.

Q. - Outre la formation, vous déplorez que les jeunes catholiques s'engagent massivement dans des «métiers muets» au détriment des «métiers qui parlent». Pourquoi cette dépossession de transmission?

R. - Elle n'est pas volontaire. Mais c'est assez étonnant: les catholiques ont le sens très vif de ce qui doit être transmis. Pourtant, proportionnellement, peu s'y engagent. La plupart font des écoles de commerce ou d'ingénieurs, alors que de très nombreux jeunes bobos athées et postmodernes embrassent les métiers de transmission, ils seront les agrégés de philosophie, les politiques ou les journalistes de demain. Ainsi, à égalité de talents et d'études supérieures, les jeunes catholiques font le choix de l'argent. Par prestige social, nécessité pour ceux qui désirent une famille nombreuse… Les métiers de transmission sont moins attractifs car méprisés et peu rémunérateurs. Tous n'ont certes pas à devenir professeurs mais un certain nombre est nécessaire. Au moins quelques-uns!

Q. - Les chrétiens se méfient souvent de l'ambition politique. Est-ce un tort?

R. - Nos jeunes grandissent avec la nouvelle évangélisation. Mais s'ils ne disent rien, ils n'évangélisent personne. Il ne s'agit pas seulement de témoigner mais aussi de transmettre. On ne dit pas assez à ces jeunes l'importance des métiers de transmission. Certains s'imaginent qu'une réserve est prête à se lever pour faire le travail. Il n'y en a pas. Je crois beaucoup en cette loi: «Tout peut être fait s'il y a des gens pour le faire». Si des courageux s'engagent, les choses avancent. Au fond, j'essaie de déclencher un déclic de cohérence: vous voulez transmettre? Transmettez!

Certains craignent de se salir les mains. S'il y a des compromissions à faire sur la morale, Dieu ou l'homme, il faut effectivement s'y opposer. On peut toujours dire non.

Il peut aussi s'agir de pusillanimité: on n'ose pas avoir de grands projets et on se contente de petits. Si des jeunes, qui ont fait de brillantes études et se destinent à une prestigieuse carrière, se cantonnent à leur paroisse, c'est dommage. Leur ambition elle-même n'est pas assez christianisée et manque de magnanimité, cette vertu qui consiste à faire de grandes choses. C'en est assez du misérabilisme des projets chrétiens! On veut aussi du grand!

Q. - Justement comment atteindre une laïcité apaisée dans notre société?

R. - L'ambition est l'adaptation des projets à ses capacités. L'humilité consiste à être vrai. Elle essaie de réaliser ce que nos talents nous invitent à faire devant et selon Dieu. Il est ainsi possible d'être ambitieux et magnanime tout en étant humble. En revanche, l'humilité n'est pas la modestie, dans laquelle la personne comprime son affectivité pour s'effacer dans tous les domaines. On peut être ministre et humble, épicier et orgueilleux. L'humilité se détermine au don de soi à la mesure des talents reçus. Il ne faut pas vivre son ambition de manière laïque, modeste chez soi et requin dehors. Mieux vaut donner son meilleur.

Dans mon livre, j'invite à sortir d'une laïcité sectaire pour parvenir à une laïcité théologienne, c'est-à-dire instruite des différentes religions. La laïcité à la française a été faite par des catholiques, pour et contre des catholiques. Elle est configurée pour la religion chrétienne, dans laquelle la foi établit la distinction entre l'agir de Dieu et l'agir humain, même si la laïcité a détourné la distinction en opposition. En revanche, elle ne marche pas avec l'islam, où Dieu fait tout, et qui se définit d'abord par la politique. Demander aux musulmans de vivre dans un régime laïque, c'est violenter leur religion de manière ignorante et dangereuse. Ce cadre, nécessaire pour nous, peut susciter une rancœur dont nous n'avons même pas idée, et qui se paiera un jour…

Notre laïcité est aveugle, il la faudrait plus instruite. Peut-elle résoudre les questions sociales qui se posent? Une société sans Dieu est impuissante à rendre les hommes heureux. Une laïcité théologienne lui permettrait d'être moins sectaire.


La chrétienté de conviction est la situation dans laquelle nous nous trouvons: une certaine marginalité. Les chrétiens sont «exculturés» par la laïcité, la postmodernité militante et la culture médiatique actuelle. Ils ont pourtant une carte à jouer décisive: leur présence dans la société est pacifiante, parce qu'elle fait vivre les principes qui ont fait notre civilisation. Les chrétiens sont des éléments de liant social à une époque où la violence est de moins en moins jugulée par les politiques. Ils ont un rôle crucial de transmission des principes chrétiens qui tissent l'Occident et donnent une certaine conception de l'homme. Les hommes politiques ne s'y trompent pas: derrière leurs discours laïcards, sur le terrain, ils comptent sur les chrétiens.

Q. - Qu'est-ce que la chrétienté de conviction? Quels en sont les enjeux?

R. - Quand un jeune chrétien se met à parler, ses propos portent. La chrétienté de conviction consiste à redevenir une force de proposition. Si un catholique ose annoncer les fondamentaux qui valent pour les chrétiens mais aussi pour les autres partenaires de notre société et renouer les liens entre christianisme et culture, il fait vaciller les idoles. Je souhaite aussi qu'il les renverse par un gigantesque éclat de rire, elles ont en ce moment un air tellement guindé et ridicule..."

Source: http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/04/03/31003-20150403ARTFIG00319-les-catholiques-sont-ils-nuls-en-politique.php