Pour un 4-Juillet: Réflexions d'Action française sur la liberté

Publié le par Section de Bordeaux & Basse-Guyenne de l'Action française

A l'occasion de la fête de l'Indépendance américaine, nous proposons à la réflexion de nos lecteurs la citation suivante de Benjamin Franklin, l'un de ses artisans:

“Only a moral and virtuous people are capable of freedom; the more vicious and corrupt a society becomes—the more it has need of masters.”

Seul un peuple moral et vertueux est capable de liberté; plus une société devient vicieuse et corrompue - plus elle a besoin de maîtres!

On comprend là l'intention puritaine d'autojustification de Franklin. Les Fondateurs des Etats-Unis ne cessaient de se comparer à l’Angleterre dont ils venaient. Le régime républicain, quoique non idéologique, qu'ils fondaient, la nation nouvelle qu'ils délivraient de ses chaînes monarchiques étaient parés dans leurs écrits de toutes les vertus. La suite de l'histoire a montré que les Etats-Unis, comme d'autres peuples, n'était ni ange, ni démon!

A l'heure où leurs anciens maîtres britanniques viennent de remporter, avec le "Brexit", une victoire capitale de leur propre guerre d'Indépendance, on trouve à ce texte une saveur philosophique plus universelle.

En effet, l'indépendance, la souveraineté se soutiennent par des vertus civiques: caractère, courage, sens de l'honneur, goût des libertés, qui ne se trouvent pas, au même degré, dans toutes les sociétés. Sans que ce soit l'unique critère, le régime sous lequel on vit est pour beaucoup dans la formation de l'esprit public national. Selon son degré de "démocratie", d'aristocratie ou de monarchie, ces vertus essentielles sont plus ou moins mises en évidence.

Avant de se demander lequel de ces régimes est le meilleur, on ferait bien de s'interroger sur le peuple auquel il doit s'appliquer. Car on a toujours le régime qu'on mérite. Il ne sert à rien de blâmer ici d'hypothétiques décadences, complots ou trahisons, qui desserviraient fatalement le peuple, mais il est plus utile de savoir s'il est encore capable de s'assumer en tant que communauté de destin dans le concert des nations. Tout, dans la vie d'un homme, d'un mouvement ou d'un peuple, est affaire de volonté. S'il l'est, il trouvera par l’empirisme organisateur (qui n'est autre que l'étude comparée du présent et du passé) les voies de son affranchissement; sinon, il sera la proie de Puissances plus impérialistes, - et elles ne manquent pas dans le monde actuel.

Cela est particulièrement vrai pour la France. Vu l'état d’avachissement du Peuple français dans toutes ses classes et professions, les plus élevées (financiers, professeurs, bourgeoisie, noblesse etc...) étant naturellement les plus coupables, on est en droit de douter de sa capacité à renaître sous la forme grandiose que l'on lui a connu par le passé. L'Action française affiche, depuis Maurras, un optimisme de commande à tous crins, mais qui ne voit que cette attitude est forcée? Chez Maurras, cet optimisme daté était ce qui lui avait permis de sortir de l’anarchisme de sa jeunesse, mais aujourd'hui, c'est le relativisme destructeur de toutes les certitudes qui guette la jeunesse, avec le cynisme marchand. Quel remède envisager contre ce dissolvant universel?

On n'évitera donc pas à l'Action française de se questionner sur la valeur stratégique de ce positionnement. Si l'A.F. a échoué, dans des circonstances nettement plus favorables à une réaction nationaliste, comment, avec moins de moyens matériels, moraux et humains, triompherait-elle maintenant? Maurras s'est fait des illusions sur le Peuple français. Il a sous-estimé les ravages de l'individualisme, la généralisation de l'esprit bourgeois, matérialiste, conservateur et jouisseur, frileux à l'égard des changements nécessaires, et la mutation subversive des élites. Sans oublier le mépris unanime pour l'Intelligence et les supériorités de tous ordres, jugées nuisibles dans la société de consommation.

Or, si les vertus civiques sont indispensables au maintien de la liberté, les dispositions de l' "homme intérieur" ne le sont pas moins! Et de qui dépendent ces dispositions? De l’exemple des autorités sociales, de l'enseignement des autorités morales. Un redressement ne s'entame pas tout seul, il y faut des alliés. Pas besoin de rappeler que, depuis Vatican II et 68, les unes et les autres sont amoindries.

Dès lors, la Contre-Révolution peut-elle encore s'opérer? Avec qui? Certes, ça et là, des révoltes, comme celles contre la "loi Travail", se font jour périodiquement, mais baignées d'idéalisme marxien. Ce n’est pas de mensonges généreux, mais plutôt d'une bonne cure de réalisme terre-à-terre que le Peuple aurait besoin. Il ne la trouvera, sans acception de préjugés de classes, que dans son patrimoine intellectuel, politique et religieux. A lui seul de jouer! Personne, nul homme (ou femme) providentiel, nul mouvement ou parti ne le dispensera de cet effort, s'il entend survivre!

Contrairement à ceux qui, au crafe ou ailleurs, parce qu'ils y trouvent une surface sociale, veulent faire prendre des vessies pour des lanternes, politiquement, nous sommes revenus en 1900. Magistère antipatriotique du Pouvoir, désorganisation des forces de résistance. Rien n'existe pour une Renaissance française. Sans doute, l'oeuvre de Maurras, Bainville, Daudet, Pierre Pujo, la légende des camelots du Roi sont un acquis, tout comme la pensée d'Aristote ou de Saint-Thomas, ou l'existence de Charlemagne et de Saint-Louis. Mais pour quelle utilité? A quoi a servi cette somme magnifique de dévouement et de perspicacité? Surtout, à quoi peut-elle, encore, servir?

Parler un langage communautaire, national, à une époque d'atomisation expose à ne pas être compris, ni suivi. C'est prêcher dans le désert. Ou, pire, dans le ghetto mondain des rallyes et des sacristies!

Remuer une agitation puérile sans préalablement faire de recrutement sélectif ni de formation sérieuse revient à vider l'Atlantique à la petite cuillère en fer blanc! On voit sans peine que ça n'a rien de politique! Cela la réduit à un simple boy-scoutisme, à un écologisme politique de baba-cool bobos, cathos ou aristos!

Au total, loin d'être une solution-miracle, clés en mains, d'essence politique, qui pourrait s'accomplir d'un coup de baguette magique, voire de club de golf en carton-pâte, la Contre-Révolution est, avant tout, comme Renan - et Maurras après lui - l'avait bien vu, une Réforme intellectuelle et morale. Tout est à reprendre depuis le début!

A.F.-Bordeaux & Basse-Guyenne