Le chiffre du mois: Pratique religieuse, pays réel et Action française
On cherche souvent la raison de l'échec de l'Action française à rétablir la Monarchie de salut public. Elles sont multiples sans doute, mais citons un chiffre parlant sur l'influence sociale de l'Eglise catholique en France:
"(...) en 1873 (...) la moitié des Français faisaient encore leurs Pâques. En 1950, un quart seulement."
Et c'est à l'Eglise catholique que Maurras a choisi d'attacher le destin du royalisme et de l'Action française, même après qu'à la Condamnation, l'Eglise ait choisi délibérément, par politique, de se passer de son appui! C'est-à-dire de se couper de trois Français sur quatre pour la diffusion de son message politique. Sans commentaire! Ou plutôt si!
Si l'Action française veut faire triompher ses idées vraies dans une Société sécularisée qui ignore autant la foi que le patriotisme (sans parler du nationalisme!), elle doit adopter le mouvement inverse, à savoir rejoindre les trois Français (qui sont maintenant neuf sur dix) qui ne font pas leurs Pâques. Une bonne règle est de considérer que les religieux, excellents dans leur partie (le dogme, la spiritualité et la charité), ne sont, pas plus qu'un officier, un économiste ou un philosophe, équipés pour faire de la politique.
Et ce, d'autant plus que la vulgate des ecclésiastiques, spécialement de ceux qui, traditionalistes (en accord ou non avec Rome), se veulent le plus romains (c'est-à-dire alignés en tout sur le Vatican) tend à négliger la patrie terrestre au profit de la céleste. En réalité, ces théologiens confondent deux ordres, le naturel et le surnaturel, qui coexistent sans heurts dans le plan divin. Madiran rappelait justement, après Maurras, que le IVème Commandement ("Tes père et mère honoreras") s'étend aux communautés plus larges dont on fait partie, spécialement l'Etat, la Nation. Cela se comprend aisément: Respecter et défendre sa famille (ou même la Famille), en bafouant l'autorité légitime de l'Etat ("César") et sans se préoccuper des conditions de survie de la Nation est pour le moins aventureux. Il est plus sage de vouloir un Etat fort dans ses prérogatives, une Nation vivante et puissante, enrichie de ses diversités et sachant favoriser l'Unité en temps de crise. Or, tel est précisément l'objet du nationalisme, pas davantage!
Nous vivons encore le contre-coup du triomphe tardif, au XIXème siècle, de l'ultramontanisme sur le gallicanisme. Paradoxalement, c'est chez des ecclésiastiques diocésains français que l'on retrouve l'écho assourdi, autant par leur dialectique "avancée" que par leur soumission au Vatican, du gallicanisme. Or, ainsi que le disait le royaliste Charles Benoist, en politique française, il y a une partie de gallicanisme dont nous ne pouvons nous séparer, sous peine de voir péricliter la Communauté française.
Tirer des plans sur la comète (comme le font les partisans d'une Europe vaticane dont les "racines chrétiennes" et les "points non négociables" formeraient le substrat), dessiner dans le ciel des idées des principes (tel celui de subsidiarité), sans égard pour ce qui se passe à Bruxelles, à Paris et à Bordeaux, et les absolutiser, alors que toute politique est essentiellement adaptation des principes aux réalités pour mieux transformer ces dernières, est une erreur stratégique majeure. Il convient d'y remédier. La fédération Grand Sud-Ouest de l'Action française y aidera les catholiques.