Assimilation ou association de l'Outre-mer français: l'avis de l'Action française

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( Voici maintenant, cité par L’Action Française du 21 décembre 1922, des extraits du discours à l’assemblée nationale d’Achille René-Boisneuf, tel qu’il figure au J.O., et entrecoupé de commentaires intéressants de Maurras).
"(1) UN ORATEUR COLONIAL. — C'était une singulière physionomie que celle de M. Boisneuf, député de la Guadeloupe. Il parlait avec vivacité, trouvait des images fortes et même poignantes, de ces éclats de voix soudains qui l'ont rêver. Il lançait : « Les vapeurs d'où sort la foudre sont formées par les larmes de l'innocence. » De plus, il savait. Il savait l'histoire coloniale. Il gardait un souvenir net et précis des procédés immémoriaux par lesquels la France s'est fait aimer, et les moissons d'amitié que l'on peut recueillir aujourd'hui ne le laissaient pas insensible aux conquêtes ni aux acquisitions du passé. Il ne paraissait même pas très convaincu de la supériorité des progrès dont il profitait sur les progrès dont ses aïeux ont profité. Les méthodes de colonisation de l'ancienne France lui semblaient au moins valoir celles de la France moderne. Il l'a dit, en 1921 (voir ci-après), dans un discours inoubliable à la gloire des généreux Français d'autrefois, fondateurs d'hôpitaux et d'écoles autant et plus que d'usines et de comptoirs : le beau lien qui va des premiers aux derniers ne lui était pas étranger. Il ne craignit pas d'affirmer :
"La véritable politique coloniale de la France est la politique d'assimilation... La politique coloniale française, dès son début au XVIIe siècle, fut une politique d'assimilation. C'est ainsi que l’édit de mars 1645, si cruel en certaines de ses dispositions, octroyait aux indigènes affranchis les mêmes droits dont jouissaient les personnes nées libres. Où en sommes-nous aujourd'hui, sous notre République égalitaire et démocratique, de l'application de ces principes ? Y a-t-il progrès ou recul ?
"Et ce Parlement, à la différence du Conseil du Roi, qui était compétent du fait de sa composition, n'entend pas grand'chose aux affaires coloniales dont il juge en dernier ressort. Contrôleur souverain, il ne dispose pour contrôler que d'une ignorance sans limite, pareille à sa souveraineté. Un contrôle aveugle, inopérant, inexistant ne peut qu'ajouter à l'irresponsabilité qui naît de la vitesse à laquelle se succèdent les gouvernements parlementaires. Ceux-ci envoient aux colonies des fonctionnaires qui sont incapables de diriger, de tenir, de punir : ces proconsuls, issus pour la plupart de la brigue ou de la faveur électorale de la métropole, restent pratiquement au-dessus des lois :
"M. BOISNEUF. — Une des plus grandes plaies de l'administration coloniale, c'est que le sort de 50 millions d'hommes est livré à des fonctionnaires naïfs et omnipotents, et que les rapports fournis sur ces fonctionnaires par les inspecteurs coloniaux sont régulièrement étouffés. Vous n’êtes même pas renseigné, monsieur le ministre, et, si vous l'êtes, pourquoi n'agissez-vous pas ?
"L'orateur noir, digne des Hurons de Voltaire, en vient à conclure par cette paraphrase des maximes d'un Prince de la Maison de France :
"Si l'irresponsabilité, le régime du démembrement de la souveraineté existent, c'est moins aux hommes qu'il faut s'en prendre qu'au système lui-même que je demande à la Chambre de réformer".
"Or, voici le point le plus curieux de cette longue et dure sortie : tout ce qui n'y a pas été imputé aux institutions retombait sur le dos du ministre actuel des Colonies, M. Albert Sarraut, que M. Boisneuf n'aime pas et qui ne l'aime guère. Ces antipathies d'homme à homme n'auraient point de sens raisonnable s'il ne fallait noter que l'article sur lequel le député colonial attaquait le ministre des Colonies était précisément celui sur lequel on eût cru celui-ci imbattable, savoir la philanthropie constitutionnelle, le respect, l'amour des races de couleur, l'humanité envers nos collaborateurs d'Asie, d'Afrique, d'Amérique et d'Océanie. Là, semblait-il, M. Sarraut était très fort : fort de la Charte des Droits de l'Homme, fort de la tradition des philanthropes jacobins, fort de toute la métaphysique juridique de la démocratie et de la République, fort même des critiques parfois âpres et vives, que nos colons, nos officiers, nos savants ont adressées à sa méthode trop strictement morale et juridique accordant trop aux sentiments, refusant trop aux justes garanties et aux sages précautions de la politique proprement dite... Eh bien ! c'est, dans ce fort que M. Boisneuf a défié, bravé, attaqué ou même enfoncé M. Albert Sarraut par le simple contraste relevé entre le libéralisme éthéré des doctrines et la réalité des violents abus impunis.
"LE DISCOURS DE M. BOISNEUF EN 1921. — « Le mal tient à ce que la République n'a pas de programme colonial d'ensemble ; seuls les régimes monarchiques se sont préoccupés de l'organisation coloniale, qui lient dans les ordonnances de la Restauration de 1825 et 1828, dans la belle loi du 24 avril 1833 et dans les sénatus-consultes du 3 mai 1854 et du 10 juillet 1856.
"Ce n'est pas un discours très gai pour la France. Il ne nous montre pas des progrès. La philanthropie officielle de la démocratie ne paraît pas avoir réalisé de grands progrès moraux ni dans le gouvernement de nos colonies, ni dans les administrations, ni dans l'affection que nous portons à leurs habitants, mais le ton historique de ces mêmes discours en fait tomber la lumière sur ce point évident qu'il n'y a pas à charger la patrie, mais son régime.
"M. BOISNEUF. — "Et savez-vous à quoi ont servi les gendarmes ? Ce sont les agents indispensable de la fraude électorale."
"Notons que M. Boisneuf est républicain ; il le dit à chaque instant. Néanmoins, de tels griefs ainsi avoués prennent le régime électif en flagrant délit.
"Depuis douze ans, la Guadeloupe a presque chaque année changé, de gouverneur, tandis qu’à l'île Dominique, toute voisine, qui est une possession anglaise, c'est depuis douze ans le même gouverneur qui est en fonction. Ce gouverneur a fait dernièrement un voyage en Angleterre. Lorsqu’il est. revenu à la Dominique, la population l'a reçu par des acclamations et, après avoir dételé sa voiture, l'a triomphalement conduit jusqu'à sa résidence."
"Parlementaire, admirateur du parlement, convaincu, semble-t-il, que le parlementarisme peut tout guérir, mais constatant, que les interpellations sur les colonies viennent rarement, M. Boisneuf ne semble pas un fanatique de la démocratie à l'européenne, il croit à la nécessité de la tutelle de l'entr'aide. Mais l'arme démocratique est-elle bien maniée; en Europe ? M. Boisneuf en revient aux bonnes coutûmes de la vieille France :
"Nous sommes aux colonies non pour consacrer les mauvaises habitudes des indigènes, mais pour les réformer, les améliorer. (Très bien ! très bien !) Ne vaudrait-il pas mieux accorder des subventions aux budgets coloniaux si, à ce prix, au lieu de peupler nos hôpitaux de travailleurs anémiés, on permettait à des populations énergiques et valides de prolonger outre-mer celle de la France ? (Applaudissements.)