Claire Mazeron défend l'histoire de France!

"A l’origine, une tribune publiée par l’historien Dimitri Casali dénonçant la « déconstruction de notre histoire » au sein des nouveaux programmes de collège, et plus particulièrement de ceux qui entreront en vigueur dans les deux années à venir en classe de 5ème et de 4ème.
"Pour ce spécialiste du Premier Empire qui déplore la portion congrue laissée au « fil de notre mémoire nationale » face au développement de l’histoire post-colonialiste et multiethnico-repentante, François 1er, Henri IV, Louis XIV et Napoléon « vont être réduits à leur plus simple expression dans les programmes de l’année prochaine au profit des empires africains du Songhaï et du Monomotapa », alors même que l’étude de la Révolution et de l’Empire « sont sacrifiés afin de mieux étudier les grands courants d’échanges commerciaux des XVIIIème et XIXème, comprenant les traites négrières et l’esclavage ».
"C’est un fait : ces programmes ne sont guère convaincants. Couvrir sérieusement la totalité de la période révolutionnaire et de l’Empire en une dizaine d’heures relève de l’escroquerie intellectuelle, et nombre d’élèves n’étudieront sans doute jamais un absolutisme placé en fin de 5ème, au terme d’un marathon historique allant de la naissance de l’Islam à la mort du Roi Soleil.
"Les connaissances attendues des élèves au terme de l’étude de la Révolution peuvent en effet être décomptées sur les doigts de pied d’un unijambiste – Prise de la Bastille (14 juillet 1789), Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (en « août 1789 », mais sans préciser la date exacte) et proclamation de la République (septembre 1792). Et l’on cherche en vain dans ces programmes la mention des Grands Hommes qui ont fait la France comme celle des « lieux de mémoire » chers à Pierre Nora : si les auteurs de ces programmes poussent l’audace jusqu’à conseiller d’étudier « un petit nombre d’événements » ou de montrer de « grandes figures », ils se gardent bien d’en préciser l’identité. Un choix démocratiquement laissé aux professeurs pour donner libre cours à leurs marottes, qui ressemble plutôt au refus - prudent - de prescrire une Histoire nationale.
"Une Histoire désincarnée, dans laquelle toute étude sérieuse de grand personnage est assimilée à un rétrograde culte de la personnalité.
"Une Histoire dans laquelle le récit professoral est banni, mais qui propose longuement à l’élève de s’improviser historien en tirant lui-même la substantifique moelle de documents mal photocopiés.
"Une Histoire thématique d’inspiration plus universitaire que scolaire, qui propose à des élèves pour qui le Front Populaire évoque un parti d’Extrême droite, de s’interroger sur « Etre ouvrier en France du XIXème au XXIème siècle ».
"Une Histoire qui conduit 72% des écoliers et 75% des collégiens à ne pas maîtriser les acquis attendus du programme (1).
"Si scandale il y a, il s’enracine donc dans un passé proche – les années 1980 -, lorsqu’une poignée de politiques sans idées mais aidés de pédagogues zélés décident, au nom de l’élève constructeur de ses propres savoirs et d’un rejet de l’ « Histoire à la papa » - forcément colonialiste et nationaliste - d’en déstructurer l’enseignement.
"Nos universitaires indignés ne découvrent donc aujourd’hui que la lune. Car il y a bien longtemps que Napoléon ou Louis XIV sont oubliés des programmes, tout comme Bouvines ou Valmy. Ou si peu évoqués qu’il est difficile d’en éviter la caricature. Il est ainsi bien tard pour s’offusquer que les jeunes générations réduisent Napoléon et Louis XIV à deux infâmes dictateurs, ou que le nom d’Austerlitz ne leur évoque rien d’autre que celui d’une gare parisienne.
"Au sein de cette Bérézina scolaire, le pire est d’ailleurs que les nouveaux programmes, tant décriés, sont paradoxalement meilleurs que les précédents !
"En effet, 6 heures - quoiqu’en fin de programme - seront désormais consacrées à « l’émergence du roi absolu » contre 3-4 heures actuellement. Et l’étude de la période révolutionnaire, Empire inclus, garde peu ou prou ses horaires (11h prévues contre 9 à 11 aujourd’hui).
"Mieux encore : l’étude de l’absolutisme s’inscrit désormais dans un cadre beaucoup plus vaste intégrant sa mise en place depuis la fin du XVIème siècle, quand les anciens programmes intimaient l’ordre de ne s’intéresser qu’au règne (personnel) de Louis XIV. Lequel était alors infligé aux élèves après un saut chronologique d’un siècle et demi dans l’Histoire de France.
"Alors qu’en 3ème, l’étude de l’URSS – réduite à deux heures consacrées au goulag et au cinéma d’Eisenstein -faisait l’économie des révolutions de 1917 et du nom de Lénine, le nouveau programme supprime cette incongruité en précisant qu’on devra montrer « comment Lénine a mis en place les principales composantes du régime soviétique ».
"Et si les traites négrières au XVIIIème sont désormais au programme de 4ème -en conformité a priori avec les requêtes de certains lobbys mal intentionnés - il faut souligner que le programme de 5ème aborde également la question de l’esclavage sous l’angle des traites orientale, transsaharienne et interne à l’Afrique noire avant le XVIème siècle, ce qui diminue considérablement le risque de récupération comme la promotion de toute repentance. Cette thématique reprend ainsi intelligemment la thèse de l’historien O. Pétré-Grenouilleau sur les traites négrières plutôt que de céder à l’auto flagellation ambiante.
"Enfin, si les programmes font large place aux « mondes lointains », il faut toutefois souligner que la place réelle de l’histoire consacrée à la France n’est en rien diminuée, bien au contraire : de la 6ème à la 3ème, celle-ci sera évoquée sur près de 60 heures, contre 30 à 40 heures actuellement… au grand dam de nombre d’organisations qui ne sauraient être de gauche qu’en vomissant l’histoire nationale.
"Alors certes, dans une école débarrassée de ses dérives démagogico-pédagogistes, ces programmes – plutôt légers et assez bien pensants - n’auraient pas lieu d’être. Faut-il pour autant s’indigner qu’ils soient moins pires que tous ceux qui les ont précédés ?
"(1) Chiffres tirés des évaluations de 2006, DEPP, Repères et Références Statistiques, 2007"