La République et la décentralisation: la réponse de l'Action française: les pays
"Yann Richard, qui animait le débat, pose trois questions clé aux intervenants : Le pays est-il une valeur ajoutée ? Quelle est sa visibilité au niveau local ? Est-ce un outil utile pour les politiques ?
"Nicolas Portier part de l’extraordinaire succès de la notion de pays, " accommodée à toutes les sauces " ; longtemps, sa définition s’est heurtée à l’opposition entre la géo rurale, qui découpe le pays en fonction d’une homogénéité de paysage et la géo humaine qui la décrit comme une aire de solidarité entre une ville et son territoire sous influence.
"Depuis près de 25 ans, on a tenté d’en faire un outil de politique du territoire. L’élan vers l’intercommunalité lancé à cette époque avait été peu à peu abandonné avant un retour en force au début des années 90. La Loi Pasqua sur l’aménagement du territoire réintroduisait le nom de pays ; mais celui-ci était défini de façon très vague ; quelques pays expérimentaux étaient lancés et les régions s’intéressaient de nouveau à ce territoire de projet.
"En 1998-99 s’engagea une réflexion pour consolider et préciser les objectifs qui aboutit à la loi Voynet. Le pays se définit alors par le " bassin d’emploi ", composé d’une ville-centre et des communes périurbaines et rurales. Son développement est prévu en deux phases : un périmètre d’étude doit aboutir à un projet de territoire au bout de 10 ans (très lié aux communautés de communes de la loi Chevènement ), et à une " charte de pays ".
"300 démarches sont engagées à ce jour. Un pays représente en moyenne 90 communes et 80000 habitants, mais avec des écarts considérables que l’on observe aussi pour les superficies (1300 km2 en moyenne). On trouve des pays à tonalité urbaine (Rennes) pour beaucoup d’autres très ruraux.
"Les projets de pays s’élaborent avec une " philosophie " proche de celle des parcs naturels, autour d’une logique contractuelle ; les pays n’ont pas de fiscalité propre, ce sont ses lieux de réflexion, d’impulsion : bref une plate-forme ; l’action, elle, relève d’avantage d’acteurs comme les communautés de communes.
"Certes, la définition du pays n’est pas neutre : elle crée des conflits avec les préfets, permet à certains territoires de s’emparer d’une identité historique ou culturelle : ainsi le Pays Basque exclut-il les communes landaises pourtant dans la zone d’attraction de Bayonne. Mais l’intérêt de la loi est qu’elle permet de définir des périmètres. Plus de la moitié des Français interrogés par sondage se déclare très favorable au " pays " ; mais ils n’en comprennent pas le fonctionnement ; il y a un problème de lisibilité citoyenne dans ce projet.
"Même si N. Portier a essayé de dresser un portait nuancé du " pays ", J. Girardon juge le tableau trop " idyllique " et entreprend méthodiquement de couler l’enfant de la DATAR. Son expérience de vice-président du conseil général de Saone-et-Loire, l’authenticité de son expérience de terrain validée par le savoureux accent rocailleux sud-bourgignon, lui donnent de puissantes torpilles ; le savoir-faire politique sans-doute ravivé par les prochaines échéances parfait l’arsenal.
Ici, un projet de division de la France en 412 pays
(Photo D.R.).
"Qu’est-ce qu’un pays ? C’est un enjeux de pouvoir et/ou un piège à subventions. Les pays ne tiennent que lorsque qu’un élu local fort (" un seul pilote ") peut le tailler à son ambition, c’est à dire selon sa circonscription électorale et ainsi la " bétonner " : c’est le cas de Chalon.
"Lorsqu’il y a deux personnalités fortes, le pays est paralysé (cas de la Bresse avec l’affrontement Beaumont- Montebourg, le Charolais). C’est parfois un duel de communes qui peut bloquer le processus (Le Creusot, Montceau-les-Mines).
"Quant à l’orateur, à la tête d’un petit canton rejeté par Montceau- Le Creusot, il avoue avoir construit un pays rural, sans identité propre, pour attirer le maximum de subventions (il est à cheval sur deux bassins d’étude) !
"Jean Girardon croit d’avantage à l’intercommunalité et " à nos bonnes vieilles collectivités territoriales qui ont rendu bien des service et qui continueront à en rendre ". Quant au pays, " il se trouve mal parti car on n’a pas voulu dire ce qu’il voulait faire ".
"Jean-Robert Pitte (Paris-IV) va réussir a être plus brutal encore : Le pays est une revanche de l’Etat Jacobin après son recul de 1982 (loi de décentralisation de G. Deferre, décrite comme une victoire posthume des Girondins). Les pays ont été inventés comme une machine de guerre contre les collectivités territoriales, pour redonner la main à Paris ; on essaye d’enlever le pouvoir à ceux qui en ont. J.R. Pitte rappelle alors l’utilité et l’efficacité des circonscriptions territoriales existantes, même les très nombreuses petites communes rurales qui assurent la " microgestion " du territoire ; il défend aussi le canton, capable de monter des opérations spectaculaires comme Ribeauvillé et Bergheim en Alsace, canton essentiellement agricole qui après avoir attiré Sony vit venir 50 entreprises supplémentaires. " Pourquoi alors vouloir casser des structures qui marchent bien " et ou " les gens se sentent chez eux. " ? " Encourageons les structures intercommunales, LE PAYS NE SERT A RIEN ".
"N. Portier que l’on aurait attendu assommé par ces coups va se montrer combatif : il vient de comprendre que la meilleure défense, c’est l’attaque et va donc montrer que les structures traditionnelles ne marchent pas si bien et que, responsables de l’élaboration des pays elles sont aussi responsables de ses insuffisances le cas échéant (car en Bretagne par exemple cela va bien, merci) : " la vertu des collectivités territoriale ? Est-ce leurs présidents cumulards ? " ; le pays représente un outil de décloisonnement de certains milieux. Et après tout, ce sont les collectivités territoriales qui délibèrent pour définir le pays.
"J. Girardon : il faut toujours se méfier de ceux qui veulent faire le bonheur des gens malgré eux. Qui fait le travail utile, qui va faire déneiger si ce n’est le conseiller municipal, qui entretien les routes ?
"Une étudiante tente à son tour de défendre le pays, décrit comme une solution nouvelle à la quelle il faut faire confiance.
"J. R Pitte : il faut surtout donner des fonctions particulières à chaque échelon ; pourquoi faire table rase alors que les nouvelles circonscriptions (régions) comment à rentrer dans les esprits ? Quant à l’idée de faire intervenir les différents acteurs (chambres de commerce et chambres agricoles), Vichy l’avait déjà fait avec le corporatisme !
"J. Girardon explique alors les difformités de l’enfant de la loi Voynet par les tares des parents : il est le fruit d’une collusion entre des hauts fonctionnaires (sous-entendu forcément coupés de la réalité) et des parlementaires godillots suivant aveuglément les ordres des deux grands partis.
"Résumons les arguments des deux opposants : le pays est une structure inutile, encombrante et pervertie par le local, fruit du Machiavélisme Jacobin et rappelant la sombre idéologie maréchaliste.
"N. Portier tient bon : Dans l’Orne, les pays ont été taillés de façon incohérente par la faute des conseils généraux, pas par la faute de l’Etat. Quant au projet de loi, il a été profondément remanié par un vrai travail parlementaire avec une autre logique que l’affrontement droite-gauche. Les pays ne font que conforter les logiques de coopération qui existent déjà. Ce n’est pas un acte de décentralisation, mais un outil à la disposition des collectivités locales.
"Et comment finit le débat ? Tout le monde se réconcilia sur le dos d’un ennemi commun, Bercy. Ce qui ne va pas, en conviennent à la fois N. Portier et J. Girardon, c’est que les ressources fiscales propres des collectivités locales diminuent (réforme de la taxe professionnelle, suppression de la vignette) ; il y a donc une recentralisation financière qui conduit les collectivités à tendre la main à l’Etat.
"En guise de conclusion, Y. Richard évoque ce type particulier de pays, les régions transfrontalières ; le fonctionnement y est lourdement entravé tant les mœurs politiques sont différentes : En Sarre-Lor-Lux, le représentant unique des communautés de communes allemandes (Stadtverband), doit en France visiter un à un les 55 communes françaises..... il aura donc vu du pays !
"Compte rendu : Marc Lohez"