Pour comprendre la question basque avec l'Action française
par Barbara Loyer*
"Le terme « identité » renvoie à une réalité à la fois subjective et sociale que les sociologues définissent en expliquant qu’elle englobe les éléments partagés par un sujet avec les membres d’un groupe d’appartenance et permettant de l’identifier de l’extérieur. Ils rappellent son caractère prescrit : on ne naît pas avec une identité essentielle, on l’acquiert. En géopolitique, l’ « identité » est un concept qui empêche de penser l’objet de l’analyse, à savoir les rivalités de pouvoir sur des territoires. Ce terme traduit en effet un sentiment subjectif sur lequel l’analyse géopolitique n’a pas à s’interroger. Il apparaît en revanche comme une représentation géopolitique dès lors qu’il est employé dans un discours collectif et entre dans un argumentaire politique, en devenant dès lors un élément de stratégie politique.
"L’identité fait l’objet de dures rivalités au Pays basque : quelle identité avaient les victimes bascophones de l’ETA (Euskadi ta Askatasuna, soit Pays basque et liberté) ? Les victimes dont les noms de famille révélaient qu’elles étaient basques aux quatre quartiers ? Celles qui étaient nées dans cette région et n’avaient pas d’autre horizon affectif ? Des députes du groupe parlementaire du Parti populaire(1) au sein du Parlement de la Communauté autonome basque d’Espagne portent des noms de famille à consonance basque. À quelle identité rattacher ces députés ? Si on les considère comme Espagnols parce qu’ils sont membres du Parti populaire, c’est bien que l’identité est un objet politique avant tout. On le voit, par exemple, à propos des choix en faveur de la promotion de la langue basque, l’euskara. Les polémiques actuelles opposent le Parti nationaliste basque (PNV, au pouvoir de 1980 à 2008 dans la Communauté autonome basque), au Parti socialiste, qui a remporté les élections autonomes en 2009. Le premier accuse le second d’avoir réduit les montants alloués au développement de l’euskara. Il est vrai que le Parti socialiste tente de faire évoluer les représentations dominantes dans les milieux politiques, scolaires et médiatiques, afin que l’espagnol n’apparaisse plus comme une langue « étrangère ». C’est en effet ainsi que nombre de nationalistes basques considèrent l’espagnol – même s’ils ne parlent que celle-là – dont l’usage majoritaire au Pays basque est dans une certaine mesure illégitime parce qu’elle serait à l’origine de la marginalisation de l’euskara. La réalité est pourtant plus complexe : au XIXe siècle, au moment où la région de Bilbao connaissait un rapide essor industriel, ce sont les Basques citadins qui ont délaissé l’euskara, langue non écrite hormis par les auteurs de catéchismes, au profit de l’espagnol, qui apparaissait alors comme la langue de la modernité. La répression franquiste contre toute expression de nationalisme périphérique est intervenue plus tardivement, mais c’est elle, dans les années 1960, qui a généré l’association entre militantisme linguistique et résistance.
"Des éléments extérieurs ont également contribué à l’instauration du lien implicite entre langue et identité : des linguistes comme Guillaume de Humboldt (1767-1835) ou des romanciers comme Victor Hugo ont créé l’image du mystère de la culture basque sertie dans son écrin linguistique. Rappelons qu’on ignore l’origine de cette langue tant elle est ancienne. La notion de « peuple basque » s’enracine également dans une homonymie en langue basque puisque le mot euskaldun désigne à la fois celui « qui parle basque » et la personne qui est Basque. Cela permet un glissement de sens vers le politique : le « peuple basque » désigne un groupe partageant la même langue, mais il se rapporte aussi à l’ensemble souverain des citoyens.
"L’identité basque n’est donc pas une donnée simple. Elle fait au contraire l’objet d’une lutte entre citoyens de la Communauté autonome basque, mais aussi de France ou de Navarre, pour imposer des représentations (nationalistes basques, mixtes basco-espagnoles, mixtes basco-françaises, ou seulement espagnoles et seulement françaises). Les rivalités politiques et les élections révèlent des divergences quant à la définition de l’identité basque.
"Différentes représentations territoriales
englobant le Pays basque français
Légende de la carte
« Zazpiak Bat » (« Les sept [provinces font] une ») : il s’agit des sept territoires que revendiquent les nationalistes basques. Cette représentation date du début du XXe siècle.
Région Bayonne-Santander : représentation géopolitique transfrontalière émise par les Verts au début des années 2000, sans que cela se soit concrétisé depuis.
Région des 3B : représentation géopolitique d’une région rassemblant un département Pays basque/Adour, un département Béarn et un département Bigorre. Idée émise en 1994, sans suite depuis.
Département de l’Adour : revendication, émise en 1836, d’un département dont Bayonne serait préfecture et qui serait séparé du Béarn (préfecture Pau) par le démantèlement du département des Pyrénées-Atlantiques (à l’époque appelé Basses-Pyrénées).
Département du Pays basque : revendication, émise en 1975, d’un département dont Bayonne serait préfecture et qui serait séparé du Béarn (préfecture Pau) par la division en deux du département des Pyrénées-Atlantiques. Il diffère du département de l’Adour en n’incluant pas la partie landaise au nord. De facto, cette représentation converge avec celle du « Zazpiak Bat ». Ce département n’existe pas mais cette partie occidentale des Pyrénées-Atlantiques a été reconnue comme « pays » (loi Pasqua de 1995) en janvier 1997 sous le nom de « Pays basque » et est devenue le cadre de projets spécifiques d’aménagement de ce territoire.
"Le pays dont les nationalistes basques voudraient faire un nouvel État comprend la Communauté autonome basque, la Communauté autonome de Navarre et la moitié du département français des Pyrénées-Atlantiques. Ces nationalistes(2) recueillent environ la moitié des voix dans la Communauté autonome basque et 15 % en Navarre, moins de 10 % en France. La majorité de la population de ce territoire ne croit donc pas que ce dernier soit celui d’une nation à construire.
"Les représentations territoriales se différencient à des détails d’importance : par exemple, lorsque les socialistes ont pris la présidence de la Communauté autonome basque en 2009, après 25 ans de pouvoir exercé par les nationalistes basques (PNV), ils ont changé la présentation télévisuelle de la carte météo : jusque-là, les sept territoires du projet national basque – trois provinces de la Communauté autonome basque (Alava, Biscaye et Guipuscoa), la province de Navarre, trois territoires existant en tant que tels sous l’Ancien Régime en France (Labourd, Basse-Navarre et Soule) – étaient montrés comme une île, hors contexte et sans frontière internationale ; la nouvelle administration a inséré la carte dans son environnement espagnol en faisant apposer les noms des régions voisines.
"Faut-il, dès lors, faire une différence entre la nation basque, qui serait le projet politique, et le Pays basque, qui serait la réalité ? Et comment, alors, délimiter cette « réalité » ? L’ensemble spatial anthropologique ancien (architecture des maisons, folklore, etc.) correspond à peu près à celui de l’aire linguistique bascophone. Mais cette limite linguistique est mouvante, surtout depuis que l’euskara est co-officiel du côté espagnol (statut d’autonomie de 1981) et qu’elle est enseignée en France (le pourcentage d’enfants suivant un enseignement bilingue et/ou immersif en primaire est passé de 24,5 % en 2004/2005 à 31 % en 2008/2009 et de 30,4 % à 39,4 % pour les effectifs de maternelle)(3). Ce territoire est également l’objet de rivalités : on débat pour savoir où ouvrir des écoles ou pour quels emplois rendre la langue basque obligatoire. Bayonne, dont les archives montrent qu’elle fut par le passé une ville de langue béarnaise, est investie par les militants pro-euskara (nombreuses écoles) et par les nationalistes basques (sièges des partis), alors qu’elle ne l’est pas par des mouvements comparables de promotion de la langue béarnaise (pas d’école en béarnais en 2010). La limite linguistique qui évolue actuellement déplace avec elle l’enjeu politique identitaire sur des territoires qui ne sont pas ceux du passé.
"La toponymie suscite, elle aussi, des polémiques, car il est important pour les nationalistes basques de prouver l’antériorité de la présence de bascophones sur tout le territoire, même dans les zones où l’euskara ne fut peut-être jamais parlé. De même, il est important pour leurs adversaires de s’opposer à cette stratégie. Qu’il y ait stratégie de conquête ou de résistance fait de l’argument identitaire un enjeu géopolitique.
"La frontière pyrénéenne séparant l’Espagne et la France est l’exemple type de ce que l’on a coutume d’appeler une frontière « naturelle », la montagne constituant une barrière entre les deux royaumes. Avec l’harmonisation du droit et la suppression des douanes fixes, le projet européen tend vers un effacement des frontières. Les nationalistes basques souhaitent, pour leur part, la création d’une nouvelle limite, celle d’un Etat autonome respectueux des règles européennes mais libéré des normes espagnoles et françaises, et qui rassemblerait « les Basques ». Une frontière est en effet non seulement une ligne de front mais aussi une enveloppe pour les gens qui vivent sous les mêmes lois du territoire ainsi délimité. Celle que les nationalistes basques appellent de leurs vœux serait donc, de leur point de vue, une bonne limite puisqu’elle réunirait des gens « identiques » (on a vu, pourtant, que les Basques ne sont pas tous politiquement identiques). Les nationalistes basques appuient aussi leur plaidoyer sur le fait que les Pyrénées ne sont pas, dans cette zone, une barrière infranchissable, dans la mesure où le massif est parcouru de vallées perpendiculaires à la ligne de crête. Il est ainsi plus aisé de le traverser du nord au sud – sauf au centre, où il est très large – que de s’y déplacer d’est en ouest. Au cours de l’histoire, les populations pyrénéennes, regroupées dans les vallées, ont établi des conventions que l’on trouve également en dehors des Pyrénées basques, appelées Lies et Passeries et qui réglementaient l’usage des bois, des eaux et des pâturages. Elles sont célébrées depuis les années 1990 comme la preuve que les harmonisations européennes ne font que revenir à des pratiques du passé, et ces relations entre montagnards sont, au passage, mises au crédit de l’identité commune. Pourtant, le fait que des villages concluent des accords entre eux ne signifie pas forcément qu’ils soient de même culture.
"La frontière entre les deux royaumes de France et d’Espagne a été établie en 1659 sur le massif (traité des Pyrénées), mais il a fallu attendre la fin du XIXe siècle pour qu’elle devienne une véritable ligne, bornée, séparant les systèmes juridiques français et espagnol de part et d’autre de ce tracé. Pendant presque trois siècles, la frontière n’a pas bousculé les us et coutumes locaux, et elle est progressivement devenue une réalité concrète. Cela explique peut-être qu’elle ait été acceptée sans difficulté notable.
La borne n° 15. - En arrière-plan, la Rhune, montagne à cheval sur la frontière franco-espagnole et qui culmine à 905 mètres. © Xemartin Laborde – septembre 2010
"Depuis les années 1990, l’Union européenne offre de nouvelles possibilités de dépassement des schémas juridiques nationaux. En 1991, la signature des accords de Schengen par l’Espagne a entraîné la disparition des postes fixes de douanes entre la France et l’Espagne. Ce fut une étape difficile sur le plan économique pour les communes directement concernées. La frontière fait système, elle fixe des activités spécifiques ; plus de 20 % des emplois furent détruits à Hendaye et Irun(4). En mars 1995, le traité de Bayonne eut pour objet de faciliter et de promouvoir la coopération transfrontalière en permettant aux collectivités territoriales françaises et espagnoles de mettre en place et de gérer des équipements ou des services publics. Ces activités se développent progressivement et à différents niveaux : des fonds de coopération transfrontaliers interrégionaux ont été constitués au profit de l’Aquitaine et des trois communautés autonomes frontalières (Aragon, Navarre, Euskadi). En 1998, les villes d’Hendaye, Irun et Fontarabie ont formé le consortium nommé Bidasoa-Txingudi(5). Le département des Pyrénées-Atlantiques a signé des conventions avec le gouvernement provincial du Guipuscoa et les gouvernements régionaux de Navarre et d’Aragon. Le conseil de développement du Pays basque, fondé en 1994, travaille avec la Navarre et Euskadi. En 2007, la Communauté autonome d’Euskadi, le Guipuscoa, le département des Pyrénées-Atlantiques, la région Aquitaine ont institué une conférence euro-régionale avec pour mission d’organiser la concertation des autorités sur un certain nombre de politiques publiques (transports, recherche et innovation, télécommunications, concurrence, promotion des langues, culture, etc.)(6).
"Ainsi, on se trouve sur une frontière dont les fonctions ont évolué au cours du temps, dans des contextes géopolitiques qui ont permis que les changements apparaissent comme légitimes. Il n’y a pas eu de conflits au sujet de la frontière elle-même. Le conflit est lié à l’incompatibilité de deux projets nationaux sur le même territoire.
"L’ETA, organisation terroriste créée en 1959, n’a pas attendu la disparition des contrôles douaniers entre les deux États pour développer ses activités de part et d’autres de la frontière. De nombreuses caches très sophistiquées ont été installées au Pays basque français. Leur localisation n’est pas seulement un fait de culture ou de solidarité atavique entre Basques. Elle dépend aussi de l’organisation de la répression. Jusqu’au début des années 1980, le sanctuaire a été le Pays basque français où se retrouvaient tous les etarras, sans entraves ni précautions parce que le gouvernement français ne voyait pas l’intérêt d’empêcher ces regroupements. Avec l’apparition du GAL (Groupe antiterroriste de libération)(7) en 1982, les expulsions et la découverte du « secrétariat » de l’ETA à Saint-Pée-sur-Nivelle le 30 septembre 1987, les clandestins ont trouvé refuge auprès de comités de soutien dont les plus actifs se trouvaient en Bretagne (solidarités nationalistes) et du côté de Poitiers, où les assignations à résidence les avaient affectés. Depuis le démantèlement de ces réseaux d’hébergement, au milieu des années 1990, les etarras louent les lieux où ils se cachent. « Les gendarmes font d’ailleurs le tour des gîtes dans le centre, l’est et le sud-est de la France pour prévenir les propriétaires »(8).
La baie de Txingudi. Tout en haut, la baie de Saint-Jean-de-Luz puis, en descendant, les villes bordant la baie : Hendaye, avec sa plage, son port de plaisance, son quartier industriel (les Joncaux) et un habitat largement individuel ; en bas, Fontarabie (Hondarribia en basque, Fuenterrabía en espagnol) avec sa cité historique, son port, son aéroport (aeropuerto de San Sebastian) et un habitat beaucoup plus collectif. © Xemartin Laborde – septembre 2010
"L’apparition du terrorisme au Pays basque est liée à l’inaction des élites du PNV face à la répression franquiste. Aussi puissant et porteur de cohésion que fût le projet indépendantiste basque, après le chaos des années 1930 et de la guerre civile, la bourgeoisie basque s’était accommodée d’un régime catholique conservateur. Quelques uns de ses enfants décidèrent de prendre les armes contre le dictateur, au nom d’une idéologie marxiste. Les guerres de libération nationale dans le Tiers-Monde, notamment en Algérie, jouèrent un rôle décisif dans l’apparition et la consolidation de l’ETA. L’organisation se fit vraiment connaître lors du retentissant procès de Burgos, entamé en décembre 1970 contre ses militants : il provoqua de grandes manifestations de soutien au Pays basque et la mobilisation d’intellectuels européens. En 1973, l’assassinat de l’amiral Carrero Blanco, pressenti par Franco pour prendre sa succession, eut également une énorme répercussion nationale et internationale et mit l’ETA en orbite dans la constellation des mouvements révolutionnaires célèbres et célébrés. L’ETA sortit du franquisme avec une aura de légitimité résistante qui mettra plus de vingt ans à s’effriter. Si l’ETA et le PNV divergent sur les moyens d’agir, ils partagent en revanche les mêmes objectifs. Le PNV n’a jamais réellement combattu le terrorisme, en dehors de quelques dénonciations formelles. Les témoignages sur l’inaction de la police autonome basque sont légion, de même que ceux révélant l’absence d’empathie des élus du PNV envers leurs collègues assassinés. Dans le même temps, de l’argent public était versé aux familles des prisonniers de l’ETA pour qu’elles puissent leur rendre visite dans des prisons éloignées. Enfin, les nationalistes indépendantistes de gauche et l’ETA ont mis sur pied un système extrêmement efficace qui leur permet d’occuper les espaces publics grâce à la mobilisation des partisans, à des affiches, à des tags, à des manifestations, à des banderoles, etc. Il a fallu attendre les années 1990 pour que s’organise(9) une contre-offensive visant à légitimer l’opinion des citoyens non nationalistes basques dans la Communauté autonome, l’action de la police et la figure des victimes. Les personnes assassinées par l’ETA ont alors été placées au centre des débats alors que, dans les années 1980, leurs familles avaient honte de faire état de leur peine et de se faire connaître. Les associations non nationalistes basques ou de familles de victimes ont joué un rôle considérable dans l’évolution des représentations sur l’identité basque, le peuple et la démocratie(10).
"Aujourd’hui, l’ETA est sur le point d’abandonner la lutte armée qui devient de plus en plus difficile face aux forces de police espagnoles, françaises et autonomes basques, et aux actions de la justice menées contre ses sources de financement et les partis qui lui sont liés. Les politiques mises en œuvre, notamment la Loi des partis, votée en 2002, qui permet d’interdire une formation politique soutenant la lutte armée ou toute forme de coercition politique, ont aussi porté leurs fruits. Depuis 2003, le parti Batasuna (Unité), lié à l’ETA, a le plus grand mal à se présenter aux élections. Il lui faut imaginer de nouveaux sigles pour échapper à l’interdiction et trouver des candidats recevables. La Cour européenne des droits de l’homme a confirmé en 2009 la légalité de cette interdiction et reconnu en 2010 celle de l’invalidation de 133 candidats d’un parti avatar de Batasuna présent aux élections municipales de 2007. Cela entraîne une diminution des ressources financières de ce mouvement indépendantiste, la perte de plateformes de communication essentielles, telles que les assemblées municipales, provinciales et le Parlement autonome, ainsi qu’un affaiblissement de sa légitimité avec pour conséquence le renforcement de l’hégémonie du PNV dans l’électorat nationaliste. Les dirigeants de la mouvance indépendantiste révolutionnaire déclarent aujourd’hui publiquement qu’ils veulent faire de la politique sans armes et attendent que l’ETA procède à sa dissolution.
"Au Pays basque, le conflit masque la difficulté de définir une identité et révèle combien l’enjeu territorial est important pour mobiliser des militants qui peuvent ainsi lutter pour un objectif clairement identifié sur la carte. Ceux qui ont essayé de faire de la politique en cherchant à concilier les deux identités politiques, basque et espagnole, ont pour l’instant échoué. Depuis sa victoire électorale de 2009, le Parti socialiste tente de faire émerger cet espace à la fois basque, dans ses revendications d’autonomie politique, et espagnol. Mais la haine semée par l’ETA depuis quarante ans risque d’être à la source, pendant encore de longues années, de conflits violents, même si l’organisation armée abandonne son combat.
C’est la conjonction d’événements se déroulant à différentes échelles, locale, régionale, internationale, qui enclenche des processus de violence. Cette violence n’oppose pas seulement des Basques et des Espagnols ou des Français, mais aussi et surtout des Basques entre eux. La violence armée est une forme de contrôle sur la communauté que l’on dit représenter pour lui imposer une identité politique unique, donc totalitaire."
"Notes
1) Le Parti populaire (PP) est l’un des grands partis politiques d’Espagne, avec le Parti socialiste.
(2) Regroupés dans les partis PNV, EA (Eusko Alkartasuna, Solidarité basque), Aralar, Batasuna (Unité), Abertzaleen Batasuna (Unité des patriotes basques).
(3) Office public de la langue basque, http://www.mintzaira.fr/fr/actualite/article/31-des-eleves-du-primaire-scolarises-en-basque.html . Au baccalauréat 2010, le basque pouvait être choisi comme langue vivante dans cinq établissements (deux à Saint-Jean-de-Luz, un à Bayonne, un à Saint-Jean-Pied-de-Port et un à Ustaritz). Sud-Ouest, 12 juin 2010.
(4) Michel Casteigts, « Transactions interculturelles et intégration territoriale. Le cas du Pays Basque », Pensée plurielle, n° 21, 2009/2, pp. 179-193.
(5) Voir Céline Bayou, « L’Eurocité basque. Le rêve d’une métropole de rang européen », Grande Europe, n° 1, octobre 2008, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/revues/grande-europe/dossiers/01/grande-europe-no1.shtml.
(6) http://crdp.ac-bordeaux.fr/epb/documents/conventioncooptransfront.pdf.
(7) GAL : mercenaires payés par le gouvernement espagnol pour assassiner des réfugiés de l’ETA en France.
(8) Christian Aguerre, Barbara Loyer, « Terrorisme et démocratie : les exemples basque et catalan », Hérodote, n° 130, 2008.
(9) Dans le contexte du gouvernement de José María Aznar (Parti populaire), qui détient la majorité absolue au Parlement entre 1996 et 2000 et la majorité relative entre 2000 et 2004.
(10) Ces associations sont nombreuses. La plus médiatique fut le mouvement ¡Basta ya !, fondé en 1999, prix Sakharov du Parlement européen en 2000. Deux ripostes armées ont été organisées contre l’ETA. Le Batallon vasco-espagnol (BVE) a fait une trentaine de victimes entre 1975 et 1981 et le Groupe antiterroriste de libération (GAL) a tué aussi une trentaine de personnes entre 1983 et 1987, ce qui a conduit un ministre en prison. Depuis cette époque, la résistance organisée contre le terrorisme nationaliste basque est pacifique et légale. Entre 1988 et mars 2010, l’ETA a tué 260 personnes (Rogelio Alonso, Vidas Rotas : Historia de los hombres, mujeres y niños victimas de ETA, Espasa, Madrid, 2010, 1310 p. et Le Monde, 18 mars 2010).
* Professeur, Institut français de géopolitique (IFG), Université Paris 8
Source: Barbara Loyer, « Le Pays basque. Articulation entre territoire et identité », Grande Europe n° 28, janvier 2011 – La Documentation française © DILA