L'Europe qu'on nous prépare: interviouve exclusive avec Pierre Hillard

Publié le par Fédération Aquitaine-Grand Sud-Ouest

Q. –  Pierre Hillard, vous êtes professeur de relations internationales dans une grande école de Paris. Historien de formation, diplômé de sciences politiques et d’études stratégiques, spécialiste de l’Allemagne, des affaires européennes et de la question des minorités, vous centrez votre étude sur le partenariat transatlantique et la gouvernance mondiale. Pouvez-vous nous préciser le fil directeur de vos recherches ?

 

R. – A l’origine, dans mon premier livre, Minorités et régionalisme dans l’Europe fédérale des régions, j’ai voulu exprimer la conception des Allemagnes envers les pays d’Europe  centrale et orientale. J’ai décrit comment les mêmes principes d’autonomie ont pu protéger des collectivités politiques, économiques, culturelles, tandis que les groupes de populations allemandes perduraient sans se fondre dans les peuples magyars et slaves. Et j’ai constaté que l’Allemagne d’aujourd’hui était à l’origine de tous les textes de l’Union européenne : régionalisation, autonomie locale,  promotion des déplacements de frontières, ethnorégionalisme, favorisant un éclatement des nations.

 

  Un des projets d'éclatement des nations: celui des écologistes (D.R.)

 

Dans mon deuxième livre, La Décomposition des nations européennes, j’ai voulu montrer que la construction européenne n’était qu’une étape vers la construction mondiale.



Dans mon troisième livre,  La Marche irrésistible du Nouvel Ordre mondial, mais dans lequel je souligne l’échec de Babel, j’ai voulu montrer les étapes qui composent le futur Etat mondial et la standardisation des grands blocs européen, nord-américain, sud-américain et asiatique ; mais aussi le remodelage générique des  références de la pensée d’un homme nouveau qui le couperait de ses racines historiques et de la diversité de ses identités.

 

 

La plus récente illustration de cette volonté à l’échelle de la construction européenne, c’est la mission Balladur qui, sans l’avis des populations, redessine la carte régionale au mépris des références historiques aboutissant ainsi à un calque administratif aléatoire et interchangeable. Il faut que vous sachiez que ce redécoupage ne vise qu’au transfert des pouvoirs et au rattachement des régions à Bruxelles ainsi qu’à la suppression des prérogatives des Etats nations. Les députés européens ne sont d’ailleurs plus des représentants nationaux, mais des élus de circonscriptions régionales : Grand Ouest, Grand Est, Sud-Ouest, Centre, Massif central, etc…

 


Le projet Balladur (D.R.)

 

Voyez-vous, nous assistons à des regroupements artificiels sans considération d’entités historiques, socioculturelles, mais à vision administrative. Un exemple : le regroupement de l’Alsace avec les pays de Bade, la création d’une région des Pyrénées méditerranéennes traitant directement avec Bruxelles depuis 2007. Il s’agit bien d’uniformiser la représentation régionale sur le modèle des Länder allemands.

 

Louis XIV, s’adressant à ses provinces, employait l’expression « à mes peuples ». La Révolution avait créé l’entité administrative départementale qui fragmentait les régions. La doctrine européenne substitue un découpage d’opportunité dont la perversité est de faire croire aux régions qu’elles vont avoir une autonomie alors qu’on leur enlève la légitimité de leur identité : exemple la Picardie.

 

Uniformisation des cultures, des religions, des modes de pensées, c’est la déshumanisation.

 

 

Q. – Monsieur Barroso parle d’« Europe impériale ». Au regard des expériences antérieures, pensez-vous que la construction européenne reprenne cette notion historique déjà observée avec le Pangermanisme ?

 

R. – Alors, effectivement, la référence d’« Europe impériale » ou d’« Empire démocratique », ainsi qu’a pu le qualifier Monsieur Strauss-Kahn est inquiétante au regard de ce que purent subir les peuples dans les tentatives de regroupement. Ainsi, ce n’est qu’au prix d’une autorité dictatoriale que les Romains réussirent à garder la cohésion de leur empire, jusqu’à ce que le relâchement de son emprise ne le redécompose en identités. Mais plus près de nous, voyez comment les Etats-Unis, par une  politique de restrictions de libertés, prennent des mesures de surveillance sur internet. C’est que, depuis le 17 octobre 2006, le NDAA07 (paragraphe 1076) du John Warner National Defense Autorisation Act s’harmonise avec le NSPD51 et le HSPD20 pour qu’un pouvoir quasi dictatorial soit confié, en cas d’urgence (ou à la suite d’une catastrophe) au président de l’Exécutif.

 

Eh bien, dans le cadre de standardisation des pouvoirs « exceptionnels », lors de sa visite à Paris, Monsieur John Roberts demandait à Monsieur Sarkozy de prendre des mesures identiques afin d’appliquer cette procédure déjà à l’étude en Grande-Bretagne et en Allemagne.

 

En fait nous assistons au développement d’une idéologie, le mondialisme, qui, sous couvert d’unifier l’humanité dans un cadre planétaire, exerce déjà une pression liberticide sur le droit au sol historique des peuples, et sur la spiritualité.  En cela nous retrouvons la construction autoritaire d’un empire.

 

Q. –  Mais, cependant, ne pensez-vous pas que la construction européenne actuelle soit le moyen d’éviter la prise de contrôle progressive de nos économies et de nos intérêts étatiques par le système américain ?

 

R. – L’argument qu’une Europe forte ferait équilibre à la puissance américaine est un mythe entretenant l’illusion fondée sur le mensonge. Le mondialisme vise à créer des blocs continentaux unifiés. L’Europe est actuellement la plus avancée mais la construction de l’Union d’une communauté nord américaine s’est fixé l’échéance de 2015 pour créer un bloc euratlantique. Cette allégeance est annoncée dans le livre d’Edouard Balladur Pour une union occidentale entre l’Europe et l’Amérique et dans le livre d’Hervé de Carmoy L’Euramérique.  

 

Mais vous savez, «  il y a l’histoire officielle, et derrière l’histoire officielle il y a l’histoire officieuse » disait Balzac. Derrière tout cela l’oligarchie financière règne.

 

Affiche de propagande européiste des années 1950 (D.R.)
 

Je cite dans mon livre La Marche irrésistible du Nouvel Ordre mondial l’Atlantikbrücke créé en 1952 par les banquiers allemands Eric Blumenfeld et Eric Warburg dont une partie de la famille émigra aux Etats-Unis. Son président actuel n’est autre que Thomas Enders, patron d’Airbus, concurrent de Boeing…Cet institut prône le resserrement des liens atlantiques dans les domaines polititiques, économiques et militaires.

 

Mais il y a également la French-American Foundation (FAF) créée en 1976 par le CFR américain et, côté français, Jean-Louis Gergorin impliqué dans l’affaire Clearstream.

     

Cette fondation est financée par l’ancien directeur adjoint de la CIA sous Carter, Franck Carlucci, ancien directeur également de Carlyle. Nous trouvons également EADS, la Société Générale, etc….

 

A la tête de la FAF on trouve John Negroponte, coordonnateur d’une quinzaine de services civils et militaires, dont la CIA jusqu’au 4 janvier 2007.

 

Ce qui est intéressant, c’est que la FAF recrute sur dossiers de candidature et après sélection des youngs leaders dont la finalité « est de créer des liens durables dans le cadre de leur accession à des postes clés… ».

 

Parmi ces youngs leaders nous trouvons entre autres du côté américain la famille Clinton, hommes et femmes, Brzezinski.

 

Mais parmi les youngs leaders français, nous trouvons François Hollande admis en 1996, Alain Juppé (1981), Madame Kosciusko-Morizet (2005), l’ancien directeur du cabinet Sarkozy, Emmanuelle Mignon (2005), Arnaud Montebourg (2000), Pierre Moscovici (1996), Valérie Pécresse (2002), et tant d’autres dont Dupont-Aignan, faux souverainiste (2001), mais aussi Christine Ockrent (1983), Jean-Marie Colombani (1983), Jérome Clément, président d’ARTE (1982), Alain Minc (1981).

 

Vers un nouvel Axe? (Photo D.R.)
 

Or, c’est devant la French-American Foundation qu’en 2007 le nouveau président Sarkozy prononça son premier discours d’allégeance à une politique commune euratlantique. Qui pourrait croire que le choix d’un tel auditoire fut anodin ?

 

Q. –  Votre quatrième livre, à paraître fin mars, porte sur la fondation Bertelsmann, pouvez-vous nous en dire quelques  mots ?

 

R. – En fait, je me suis intéressé au groupe Bertelsmann car il représente aujourd’hui un empire des médias mais, il est lié aussi à une fondation au service du mondialisme.

 

Fondé en 1835 par Carl Bertelsmann, il est aujourd’hui le premier groupe média européen : RTL, M6, Direct Groupe, Gruner & Jahr, et son empire joue un rôle énorme sur l’Europe.

 

Parallèlement, en 1977, Reihnard Mohn crée la fondation Bertelsmann. Il se trouve que cette fondation joue un rôle important dans la construction européenne, dans le partenariat transatlantique ; mais aussi dans la politique européenne de voisinage (PEV) qui vise à associer le pourtour méditerranéen. Cette politique avait fait l’objet d’un accord entre le chancelier Schröder et le président Bush le 27 février 2004.

 

Pierre Hillard en pleine démonstration, lors d'une récente conférence organisée par la Fédération (Photo: D.R. fédération Aquitaine-Grand Sud-Ouest.)
 

On voit donc que nous allons vers une redistribution du monde sans les peuples selon l’expression d’Oscar Wilde « l’opinion publique n’existe que là où il n’y a pas d’idée ».

 

Mais, ce qui est encore plus grave, c’est que le Pouvoir politique n’est que le pâle figurant d’oligarchies financières pour lesquelles, mondialisme et altermondialisme sont les deux jambes d’un même Minotaure.

(Propos recueillis par Agathon, pour l'A.F.-Manche. Tous droits de reproduction réservés.)

 

Dernier ouvrage paru : Pierre Hillard, Bertelsmann, un empire des médias et une fondation au service du mondialisme, éd. François-Xavier-de-Guibert, 2009.